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LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

caractère physique, de vrais Bérebères ; leur situation intermédiaire a rendu leurs mœurs moins farouches que celles des autres montagnards.

Les tribus de la campagne se rattachent d’une part aux Bérebères, d’une autre au peuple des villes. Chaque tribu porte le nom de son fondateur. Moins féroces, moins indisciplinés, plus industrieux, plus intelligens que les Bérebères, les campagnards du Maroc sont cependant sauvages. Comme les Bérebères, ils n’ont d’autre vêtement qu’un grand manteau de laine qu’ils retroussent au-dessus de la ceinture pendant le jour, et dont ils s’enveloppent tout entiers la nuit. Ils vivent sous des tentes tissues de poils de chèvre, du produit des troupeaux, de l’agriculture, du jardinage ou de la pêche.

Parmi eux, les femmes sont chargées de tous les travaux pénibles. Les hommes, jeunes et vieux, voyagent, fréquentent les marchés, et font la guerre. Souvent silencieux, ils passent leurs journées, accroupis ou couchés, l’œil fixé sur les troupeaux qui paissent et sur les femmes qui travaillent. Celles-ci, sous le soleil ardent, portant un enfant suspendu au sein ou sur le dos, vont souvent à une ou deux lieues du douar puiser de l’eau, recueillir le bois, tirer la charrue à la place de l’âne ou de la mule qui sont en voyage, traire les vaches et les mener aux champs ; elles se lèvent trois heures avant le jour, pour préparer le kouskous du soir. Les malheureuses accouchent presque toujours au milieu du travail, que cet évènement peu important de leur vie n’interrompt jamais. Elles ont pour couche la terre, pour costume un grand linceul de laine, drapé, et rattaché par de petites broches de bois ou de fer. Rarement les tribus s’allient entre elles. Un champ, un cheval, une discussion frivole, sont pour elles des motifs de guerre. Elles se divisent en groupes qui campent isolément, mais toujours à peu de distance l’un de l’autre. Les tentes forment un cercle, surtout en temps de guerre ; de là le mot douar (rond). Le soir, tous les troupeaux rentrent et sont parqués au centre du douar, dont l’entrée, obstruée par des broussailles, est gardée par un poste armé. On change souvent de campement à cause de l’invasion rapide des insectes et de l’épuisement des pâturages ; mais on ne dépasse jamais une certaine limite, assignée au territoire de la tribu. On l’établit près d’un puits, d’un lac ou d’un cours d’eau potable. Chaque douar a un caïd qui dépend de celui de la tribu, et ce dernier du caïd de la province. La mosquée du douar, tente semblable aux autres tentes, est gardée par un muphti, prêtre, notaire et maître d’école à la fois. On trouve dans les douars des hommes que l’on