Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
635
LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

et d’acquérir ce savoir-faire et cette habileté auxquels le commerce anglais doit sa supériorité, se sont laissés primer par les produits anglais, souvent inférieurs en qualité, mais mieux parés, mieux élaborés, se présentant mieux, avec plus de décence et de grandeur. Nos draps, nos sucres raffinés, nos soieries et même nos quincailleries soutiendraient au Maroc la concurrence anglaise, si les dehors grossiers, le conditionnement sordide de ces produits, et les fraudes auxquelles a souvent recours une parcimonie extrême, n’assuraient l’avantage à nos rivaux.

Sous Napoléon, le consul français de Tanger y tenait une cour brillante, dont l’agent anglais s’était seul isolé. Cet appareil et cette pompe, qui produisent sur les orientaux une impression si profonde, l’origine de cet éclat, bien connue des Maures, éveillaient en eux une vive admiration, mêlée de respect pour la France et pour son souverain. La restauration laissa échapper cette position élevée ; les agens des autres puissances, quittant le rôle secondaire qu’on leur avait assigné, construisirent des palais qui rejetèrent dans l’ombre la résidence modeste de la France. Cependant la prépondérance française s’est un peu relevée, depuis que la résolution de conserver l’Algérie et le déploiement de forces dont cette déclaration a été appuyée, ont conseillé au sultan les égards et la déférence. Le consulat-général, confié aujourd’hui à un homme dont l’attitude est ferme et indépendante, soutient ce mouvement ascensionnel.


Telles ont été les relations diplomatiques de l’Europe avec le sultan de Maroc, relations purement commerciales. Renfermé dans son orgueil, il surveille de loin les évènemens européens sans y prendre part ; il s’attache surtout à en arrêter le retentissement sur sa frontière. Les consuls ne résident pas auprès de la cour ; la plupart quittent le pays sans avoir entrevu le sultan. Leur résidence, d’abord fixée à Rabat, a été transférée à Larache. En 1780, Larache fut interdit aux chrétiens, et les consuls durent se transporter à Tanger. La diplomatie marocaine, habile à combattre les chrétiens avec leur esprit et leurs idées, colora ce procédé arbitraire, en prétendant qu’on avait cherché à rendre le séjour du pays moins désagréable aux consuls, à les rapprocher de l’Europe, et à les placer en communication journalière avec leur patrie. Ce qui importait au sultan, c’était d’éloigner les consuls du centre de l’administration et de leur en dérober les secrets, de faire perdre à la marine de guerre le chemin et les stations de Rabat et de Larache ; enfin, de cacher aux étrangers les points vul-