Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/845

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
841
L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

de reprendre, d’après un usage qui ne paraît pas très sensé, M. Mignet avait à apprécier les titres du nouvel académicien. Il l’a fait avec une convenance, une mesure, une équité parfaites. Et non-seulement il a exposé le mérite littéraire des éloges et des mémoires de M. Flourens, mais il a décrit avec cette élégante lucidité dont il a le secret les travaux d’histoire naturelle et les découvertes physiologiques de M. Flourens. Ce morceau, ainsi que son jugement sur les causes et les effets des croisades et son opinion sur la méthode historique, sont écrits de cette manière éloquemment dogmatique dans laquelle il excelle, et que peut-être il prodigue. En effet, s’il était permis d’adresser une critique à un discours qui a été si unanimement et si justement applaudi, je dirais que la perfection de chaque phrase, qui se condense en formule, finit par composer un tissu trop serré, trop compact, surtout pour un travail destiné à l’oreille, et non pas à la lecture. On aimerait à rencontrer quelques parties moins cultivées, moins couvertes, une clairière, une lande même ; on voudrait trouver, comme lieux de repos, quelques places où il y eût plus d’espace et plus d’air.

Nous devons noter, comme une chose singulière, que jusqu’ici tous les biographes officieux ou officiels de M. Michaud ont ignoré, ou du moins passé sous silence, une bien importante particularité de sa jeunesse. Avant d’avoir embrassé les opinions royalistes qu’il a si loyalement et si courageusement défendues jusqu’à sa mort, M. Michaud, en 1791, partageait les sentimens patriotiques et démocratiques de la majorité de la France. M. Charles Labitte, dans un article intéressant, a recueilli de curieuses notions sur cette phase vive, pure et très courte de la jeunesse de M. Michaud. Il est regrettable que M. Flourens et M. Mignet n’aient pas connu l’existence de ce filon caché, qui leur aurait servi à expliquer certaines veines d’indépendance qui ont reparu plus tard, et qu’ils ont d’ailleurs très bien indiquées sans en connaître la source. M. Mignet, par exemple, rappelle que, sous Charles X, quand parut la loi contre la presse, l’Académie française, après une honorable discussion, présenta à la couronne une respectueuse supplique. M. Michaud, qui avait pris part à cet acte, perdit le titre de lecteur du roi et les 1,000 écus qui y étaient attachés. Quelque temps après, le roi lui ayant reproché doucement la part qu’il avait prise à cette discussion : « Sire, lui répondit M. Michaud, je n’y ai prononcé que trois paroles, et chacune d’elles m’a coûté mille francs ; je ne suis plus assez riche pour parler. » Et il se tut. M. Labitte, de son côté, cite un noble pendant à cette réponse. Le