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QUESTION D’ORIENT ET DISCUSSION PARLEMENTAIRE.

à cet égard irréprochables. En France, nous aimons à discourir ; il ne se passe dans le monde rien sur quoi nous n’ayons d’abord un avis ; il ne s’y plaide pas une cause à laquelle nous ne témoignions intérêt ; tous ceux qui entreprennent quelque chose, reçoivent successivement l’assurance de notre protection. Mais faut-il soutenir cet avis, appuyer cette cause, réaliser cette protection, n’y comptez plus. C’est alors la presse qui a promis, c’est la tribune qui s’est engagée ; ce n’est plus la France ; elle se croirait insensée, si elle donnait à ses paroles la caution de sa puissance. La France parle et n’agit pas. Plus d’un fait justifierait ces vérités, tristes à rappeler, d’autant plus tristes que rien n’annonce qu’elles doivent de sitôt cesser d’être des vérités.

L’affaire d’Orient en est la plus récente et la plus éclatante confirmation ; elle n’en sera pas la dernière, si nous ne perdons l’habitude d’exiger de notre gouvernement des prétentions hasardeuses, et de lui passer une craintive inaction. La grande erreur de sa politique, dans ces derniers temps, est d’avoir voulu, non pas maintenir la paix partout et toujours, mais concilier avec le parti pris de la paix l’affectation d’une influence qui ne s’obtient ou ne se conserve qu’au risque éventuel de la guerre. On peut penser qu’un pays qui a une révolution à consolider doit tout sacrifier à la paix, qu’aucun intérêt extérieur ne vaut pour lui l’affermissement de sa dynastie et de ses institutions nouvelles, et qu’il doit s’abstenir de rien essayer au dehors, quand il a tant à faire au dedans ; mais il faut alors avoir la sincérité de le dire d’avance, et de faire profession d’une politique qui s’interdit l’ascendant pour éviter le péril. Je concevrais sans l’approuver, je respecterais même une politique modeste, domestique, utilitaire, qui ne promettrait au pays, avec les libertés de la charte, qu’un peu d’ordre public et quelques chemins de fer. Après tout, pour les peuples comme pour les individus, le bonheur n’est pas à dédaigner, et dix ou quinze ans de félicité publique ont leur prix, même dans l’histoire. Mais une telle politique n’est honorable que si elle est franche et avouée. Elle demande un courage assez difficile pour un gouvernement comme pour un homme : celui de mettre de côté tout amour-propre aux yeux du monde. Elle exige un renoncement austère aux apparences de grandeur, aux réminiscences de gloire ; et chez une nation orgueilleuse, qui a ces trois choses, un nom, une tribune, une presse, cette politique, sans en être plus mauvaise, pourrait bien avoir l’inconvénient d’être impossible.

Au fond, telle est la pensée du 29 octobre. Dans les premiers temps, on n’en faisait pas mystère. Le discours que les ministres ont rédigé