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rible, et abandonnèrent précipitamment les jonques de guerre mouillées près de terre et les positions qui dominaient La ville. Pendant la nuit, ils évacuèrent la ville elle-même, que des fortifications très étendues défendaient cependant contre un coup de main et quand le général anglais, ayant fait ses dispositions pour l’assaut, fit reconnaître la place le 6 à la pointe du jour, on acquit la certitude que non-seulement les troupes chinoises, mais toute la population avaient pris la fuite. Les dispositions arrêtées par le brigadier Burrel pour l’occupation de Ting-haé ne paraissent pas avoir été dictées par un esprit de prévoyance même ordinaire, ou du moins il n’a pas su faire respecter ses ordres, s’il est vrai, comme le disent toutes nos correspondances, que cette ville désertée à la hâte, et où le mobilier des maisons particulières et les magasins du gouvernement étaient encore intacts, ait été pillée et dévastée par les troupes de débarquement, les soldats européens ayant malheureusement trouvé l’occasion de se livrer avec excès à leur penchant pour les liqueurs fortes. La ville de Ting-haé et ses faubourgs contenaient plusieurs distilleries et un immense approvisionnement de cette boisson spiritueuse qui paraît former une branche d’exportation considérable pour le commerce de Chusan, et qui est connue sous le nom de sam-chou. Ces entrepôts furent découverts dès l’abord, et il s’ensuivit des désordres déplorables. Le brigadier Burrel, dans son rapport officiel, fait allusion au pillage, dont il affecte de rejeter tout le tort sur la populace chinoise, lors de l’évacuation de la ville par les habitans ; mais il ne dit pas un mot des honteux excès auxquels se sont livrées ses propres troupes. Les tentatives faites pour rassurer les populations et déterminer les habitans de Ting-haé à rentrer dans leurs foyers restèrent long-temps sans succès. La santé des troupes souffrit beaucoup et du changement de climat et de la rareté des provisions et, il faut le croire, des suites de ces excès que nous avons signalés. Chusan ne doit être considéré que comme un point d’occupation temporaire. Les Anglais l’avaient visité pour la première fois en 1700, et y avaient été bien accueillis ; ils avaient commencé à y faire un trafic assez considérable, mais en 1701, un ordre de l’empereur leur interdit toutes relations avec ce port. Cependant un vaisseau anglais, le Northumberland, paraît avoir obtenu la permission du gouvernement chinois de jeter l’ancre devant Ting-haé en 1704, et lord Macartney y envoya chercher des pilotes en 1793. La population de tout le groupe des îles Chusan s’élève à environ soixante mille ames ; l’intérieur de la grande île est bien cultivé et produit beaucoup