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LE SALON.

reine douairière, assise sur un fauteuil royal, paraît présider la cérémonie. Autour de ces principales figures, placées au centre, se rangent circulairement les ordres de l’état et la foule des courtisans. Aussi habilement peinte qu’habilement conçue, cette composition est d’un effet grave, noble et calme. Le ton est doux et même fin dans quelques parties, mais un peu sourd peut-être. L’aspect général, comme ordonnance, comme expression et comme couleur, satisfait immédiatement l’œil et l’esprit, et mérite à cette très estimable peinture le succès qu’elle obtient.

Néanmoins, pour ne rien outrer, il convient de remarquer, d’une manière générale, qu’on aurait tort de chercher ici des qualités d’un ordre supérieur. Comme goût, comme invention, comme style surtout, comme expression, et même comme exécution, ce tableau ne dépasse pas de beaucoup les limites d’une peinture de genre. Dire que ce n’est qu’une très jolie vignette agrandie, ce serait certainement aller trop loin, mais cette comparaison serait pourtant plus voisine de la vérité que l’opinion qui voudrait y voir un chef-d’œuvre de peinture historique. Tout ce que les études pratiques, un travail consciencieux et opiniâtre, un goût éclairé, une intelligence saine et un talent sûr peuvent mettre dans un ouvrage d’art, se trouve dans celui-ci. Ce qui y manque, ou du moins ce que nous n’y voyons pas, c’est ce tour d’originalité et d’individualité qui trahit les maîtres. Tout est calculable dans cette peinture ; il n’y a rien de secret ni d’imprévu ; les moyens par lesquels l’effet est produit sont aussi visibles sur la toile que l’effet même. Enfin, le style assez bourgeois, sinon commun, n’atteint pas même jusqu’à la distinction, qui n’est pas la grande originalité, mais qui y fait penser.

Ces restrictions nous sont imposées par les admirations exagérées dont cette toile a paru être un instant l’objet, et qu’il est utile de resserrer dans des bornes raisonnables. C’est dans le même but que nous ajouterons une ou deux observations de détail. Charles-Quint nous a semblé un peu au-dessous de son rôle ; sa pantomime n’est, ainsi que tout le reste, que convenable. Tout le premier plan de gauche n’est évidemment qu’un remplissage, un simple repoussoir. Mais ces figures, étant très près de l’œil, ne gagnent pas à être étudiées. Il faut passer rapidement par-dessus pour arriver à un groupe de jolies têtes féminines placées dans le fond, et dont l’éloignement ne laisse venir jusqu’à nous que l’effet piquant de leurs toilettes et l’expression de leurs graces un peu minaudières.

En somme, nous répéterons volontiers que cette peinture est une