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L’ÉCOSSE.

jugement n’a pu qu’infirmer celui que l’Angleterre avait témérairement porté contre des voisins qu’elle n’aimait pas. On les avait trop dépréciés pour que beaucoup d’exagération ne se mêlât pas à cette réhabilitation qu’ils faisaient d’eux-mêmes. Ils se sont bien donné de garde surtout de contredire les étrangers que la curiosité avait conduits chez eux, et qui, obéissant la plupart aux impérieuses exigences de la mode, exaltaient peut-être outre mesure un peuple dont l’existence littéraire et philosophique venait de leur être révélée par des chefs-d’œuvre. Pendant les trente premières années du siècle, un singulier engouement pour tout ce qui touchait à l’Écosse succéda en France à l’anglomanie du siècle précédent. On ne prononçait plus qu’avec enthousiasme les noms de Burns, de Walter Scott, de Dugald Stewart, de Reid, ou même du poète Hogg. Abbotsford, la vallée d’Ettrick, le lac Lomond et le lac Katrine avaient leurs visiteurs et leurs chroniqueurs quotidiens. Cette ferveur ne tarda pas à se ralentir. En France, on se passionne aisément, mais en revanche on oublie vite. Ce vif enthousiasme qu’avait inspiré la brillante et subite civilisation de l’Athènes du nord a fait place à un sentiment d’indifférence très marqué. Walter Scott dans la tombe, notre attention, distraite par les évènemens fort peu littéraires qui se succédaient autour de nous, s’est attachée à d’autres objets.

L’Écosse ne méritait ni ce fracas d’enthousiasme ni le dédain qui l’a suivi. La civilisation, trop hâtée peut-être dans ses grandes villes, ne s’y est pas subitement arrêtée, comme les Anglais affectent de le dire. Le puritanisme n’y a pas détruit toute poésie, et l’étincelle du génie n’y est pas étouffée à jamais sous le raisonnable et l’utile. Au contraire, ce pays et ses habitans gardent encore l’originalité native qui, à défaut d’autres titres, suffirait seule pour exciter vivement la curiosité. Des circonstances spéciales nous ont permis de bien étudier cette contrée, et nous nous efforcerons d’être juste envers elle.

On a remarqué avec raison que l’Écosse est le seul pays de l’Europe où la culture des arts libéraux ait précédé celle des arts mécaniques. Sous le règne de David II (1370), lorsqu’un ambassadeur français, accompagné d’une suite brillante et nombreuse, se rendit à la cour de ce prince, il fut impossible de loger tant d’étrangers dans la ville d’Édimbourg ; il fallut les cantonner dans les bourgades du voisinage, où ces Français, fort arriérés eux-mêmes, si nous les comparons aux Italiens de la même époque, furent bien surpris de trouver une population misérable, habitant des huttes faites de mottes de terre et de branchages entrelacés, se nourrissant des produits de