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L’ÉCOSSE.

pomme de terre, introduite en Écosse vers la fin du dernier siècle[1], a fourni aux montagnards un aliment abondant et qui remplace le pain au besoin. Le prix de la main-d’œuvre s’est élevé par suite même de l’émigration. Un journalier, qui ne pouvait trouver d’ouvrage il y a quarante ans, gagne aujourd’hui de 2 à 3 shellings par jour. Il peut, en outre, nourrir sa famille avec un acre de pommes de terre ; il a le peat ou la tourbe à discrétion. Il est donc moins misérable que par le passé.

Toutefois, comme les Écossais ont conservé cette sorte d’inquiète imagination qui semble appartenir en propre aux peuples d’origine germanique, il suffit d’un incident des plus simples pour mettre en mouvement et transporter d’un bout du monde à l’autre des familles entières. Un récit brillant, qui arrive de l’autre côté de l’Atlantique, fait naître tout à coup, dans quelque recoin des montagnes, d’excessives espérances. Il n’est pas sans exemple que la lettre d’un colon heureux, tombée au milieu d’un hameau, y ait opéré une sorte de levée en masse. Jeunes et vieux quittent la chaumière où ils ont passé la moitié de leur vie, avec la même facilité que l’Arabe met à lever sa tente dressée pour un jour ; puis ils s’acheminent sans regret vers des contrées que leur imagination pare des couleurs les plus attrayantes. Ils ont vu la fortune leur sourire de l’autre côté de l’Océan, et ils s’empressent d’y courir ; mais, hélas ! ce besoin de changement leur est plus souvent funeste que profitable ; au lieu de la fortune qu’ils poursuivaient, c’est la mort qu’ils rencontrent. D’avides spéculateurs les entassent par centaines dans de mauvais navires, et parfois même les beaux rêves, les brillantes espérances des émigrés se sont abîmées avec eux dans les flots avant qu’ils aient perdu de vue les rivages de la patrie. Lorsque nous nous trouvions en Écosse, il y a peu d’années, tout le pays était ému par des catastrophes de ce genre répétées coup sur coup. Dans l’espace de quelques semaines, cinq navires[2] chargés d’émigrés s’étaient perdus corps et biens sur les écueils des mers d’Irlande et d’Écosse. Un millier de ces malheureux avaient péri dans ces divers naufrages.

On croirait que ces émigration en quelque sorte permanentes[3], ont dû considérablement diminuer la population de l’Écosse ; tout

  1. Par M. Prentice, dans le voisinage de Kilsyth. — Transactions de la société royale d’Édimbourg.
  2. Le Bristol, le Mexico, la Jane, le Glasgow et le Margaret. Ces cinq naufrages eurent lieu de janvier à avril 1837.
  3. La Sarah Bostford vient dans ce dernier mois (avril 1841) de partir de Gree-