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L’AFRIQUE SOUS LA DOMINATION FRANÇAISE.

Carthaginois, qui avaient une infanterie redoutable, il fallait qu’il leur opposât une force égale, il fallait donc qu’il eût de l’infanterie. Il ne manquait pas d’hommes pour faire des soldats, mais il n’avait personne qui pût les instruire aux manœuvres militaires ; son infanterie n’était qu’une masse confuse qui combattait au hasard et sans règle. » Les centurions consentirent à la demande de Syphax, et Statorius, l’un d’eux, resta près du roi. Il instruisit les Numides dans la discipline romaine, les habitua à garder leurs rangs, à manœuvrer régulièrement et parvint à créer une infanterie qui, dès la première bataille entre Syphax et les Carthaginois, décida la victoire en faveur de Syphax.

C’est à ce moment que les Carthaginois, fidèles à leur système d’opposer toujours les Numides aux Numides, décidèrent Gala, père de Massinissa, à s’allier avec eux, et Massinissa, âgé alors de dix-sept ans, unissant ses troupes aux légions des Carthaginois, c’est le mot dont se sert Tite-Live, vainquit Syphax dans un grand combat.

Cette prompte défaite de Syphax après sa première victoire prouve que cette infanterie formée par le centurion romain, et dont Syphax était fier, était encore très médiocre : elle était bonne contre les Numides, habitués au pêle-mêle de la guerre africaine ; mais, quand elle rencontrait l’infanterie européenne et ces légions carthaginoises, comme dit Tite-Live, recrutées en Espagne et en Gaule, elle ne pouvait pas soutenir le choc. Cela s’est vérifié de nos jours non-seulement en Afrique, mais en Syrie, où les troupes égyptiennes instruites par des officiers européens, ont battu aisément les troupes turques, et ont été battues à leur tour par les Européens. La barbarie, quand elle est encore toute pure, résiste souvent à la civilisation, parce qu’elle la déconcerte par la sauvage brusquerie de ses attaques ; mais la demi-civilisation est toujours vaincue par la civilisation complète. Si les Carthaginois furent battus la première fois par Syphax, c’est qu’ils ne s’attendaient pas à combattre une infanterie régulière, et qu’ils s’étaient préparés seulement à une guerre d’Afrique ; cette surprise causa leur défaite[1].

  1. Je remarque en passant que pareille chose leur était déjà arrivée dans leur guerre contre les mercenaires. Un jour, Hannon battit les mercenaires révoltés ; mais, habitué qu’il était à combattre les Numides, qui, une fois dispersés, ne reprenaient plus leurs rangs, il ne songea point qu’il avait cette fois à combattre des troupes qui avaient fait la guerre en Sicile et en Espagne. Il ne poursuivit pas ses ennemis battus, et ceux-ci alors, reprenant leurs rangs, se retournèrent et battirent Hannon qui se croyait trop tôt vainqueur.