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placer légitimement ses affections sans descendre à des calculs d’intérêt. Mais on assure que Mme Gatti de Gamond est aujourd’hui à la tête d’une petite église puritaine, en dissidence avec le centre principal de la propagande. Quant aux docteurs de la grande église, ils sont d’une réserve assez suspecte sur tout ce qui se rapporte aux liens de famille. M. Paget, dont l’esprit lucide et la parole sincère ne consentiraient pas à obscurcir les problèmes pour en cacher les difficultés, se retranche dans un silence absolu, M. de Pompery proteste de son respect pour les sentimens de famille, et repousse énergiquement le soupçon d’immoralité qui poursuit les fouriéristes. On jugera ce que vaut au fond sa profession de foi que je vais transcrire, par les mots qu’il a lui-même soulignés. « De ce que nous légitimons les passions, il n’en faut pas conclure à l’étourdie que nous légitimons leurs excès, et que nous ne reconnaissons pas la nécessité présente de la contrainte physique, de la contrainte morale et de la contrainte religieuse… Nous maudissons les excès de la passion, tant qu’une organisation supérieure de la société à laquelle nous travaillons de tous nos efforts n’en permettra pas l’essor juste, complet, normal et équilibré. C’est alors seulement que l’homme sera LIBRE et franc de tous liens[1]. » Dans les dialoguesM. Cantagrel a gaspillé beaucoup de verve et d’esprit, le fou du Palais-Royal parle assez souvent de ménage, mais de mariage point. On interroge enfin l’écrivain que M. Cantagrel a appelé dans le livre cité plus haut, le saint Paul de la nouvelle religion, et on n’obtient pas un seul mot de M. Considérant en réponse à la question sur laquelle un débat franc et précis aurait dû préalablement s’établir ; à la dernière page seulement on note[2], et en forme de post-scriptum, les lignes que je vais rapporter : « On appelle équilibres majeurs ceux qui sont tirés du jeu des deux passions d’ordre majeur, amitié et ambition, et qui sont relatifs surtout à l’ordonnance et à la hiérarchie des intérêts industriels. Les équilibres mineurs sont ceux que fournissent les deux affectives mineures, amour et famille. Ces derniers équilibres ne pouvant être établis d’emblée au début de l’harmonie, parce qu’ils reposent sur des mœurs loyales et autres dispositions inconnues aux civilisés, dispositions qui ne viendront que comme conséquences de l’organisation régulière et sériaire des affaires du mode majeur, nous nous abstiendrons d’en parler ici. Du reste, les principes généraux de ces équilibres sont les mêmes que ceux qui concernent le majeur. Nous renvoyons leur étude à l’ouvrage où nous traiterons les questions de haute harmonie. » Ainsi l’école sociétaire ne daigne pas encore nous révéler les sublimités qu’elle nous prépare : nous sommes trop intelligens pour les saisir, trop déloyaux pour les accepter ! ne serait-ce pas plutôt que la doctrine n’ose pas s’avouer, ou bien qu’elle ne se comprend pas elle-même ?

S’il était nécessaire de démontrer que la métaphysique n’est pas une science vaine, il suffirait de rappeler l’exemple du fouriérisme. Une seule erreur de

  1. Exposition de la science sociale, pag. 15.
  2. Destinée sociale, à la fin du second volume, pag. 350.