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LA COUR DES COMPTES.

et de décisions ministérielles. Cette confusion pouvait amener des incertitudes et des erreurs ; la comptabilité publique devait avoir un code qui présentât l’ensemble des garanties qu’elle offre à la sécurité du pays. Ce code fut rédigé par une commission spéciale, et promulgué par l’ordonnance du 31 mai 1838 ; cette ordonnance fut contresignée par M. Laplagne, le ministre habile et justement estimé que l’on vit plus tard, après d’honorables services, reprendre à la cour des comptes, en qualité de conseiller-maître, le siége qu’il avait quitté. Le règlement du 31 mai 1838 réunit en forme d’articles toutes les mesures déjà prises pour garantir l’ordre dans le maniement des deniers publics, pour éclairer les chambres et pour perfectionner le contrôle de la cour des comptes. C’est une législation spéciale reposant sur des bases fixes, c’est un recueil de lois que chacun peut désormais étudier, comme toutes les lois civiles ou politiques qui touchent aux intérêts des citoyens.

Ainsi la cour des comptes, par suite de tous ces développemens que lui a donnés le régime représentatif, est devenue un corps à la fois politique et judiciaire. Organisée en vraie cour de justice, elle reçoit les sermens de ses justiciables. Elle traduit à sa barre les comptables qui sont tenus, en qualité de mandataires, de lui rendre compte de leurs gestions. Elle prononce entre eux, réputés défendeurs, et les êtres collectifs dont chacun d’eux tient son mandat, c’est-à-dire l’état, les communes ou les divers établissemens publics, réputés demandeurs. Elle fixe la situation des comptables. « Elle les déclare créanciers ou débiteurs, retient ou dégage leurs cautions, affranchit ou grève leurs immeubles[1] » : elle les oblige, suivant les cas, à produire des élémens d’instruction, et les condamne, s’il y a lieu, à des peines déterminées par les lois. C’est là le côté judiciaire des fonctions de la cour des comptes. C’est par là qu’elle est assimilée à la justice ordinaire, dont elle n’est qu’un démembrement, car, sous les premiers rois de France, les jugemens de comptes étaient attribués aux magistrats déjà chargés des affaires civiles et criminelles ; et, si ces attributions furent divisées par la suite, c’est que la spécialité et l’étendue des questions soulevées par l’examen des comptes réclamèrent une juridiction spéciale. Le caractère politique des attributions de la cour des comptes n’est pas moins évident. Il réside dans ses déclarations générales et dans son rapport au roi. Un corps indépendant, chargé de comparer les comptes

  1. Voyez les opinions de M. Carré et de M. Dupin.