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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 mai 1841.


Les complications de la politique intérieure de l’Angleterre ont nécessairement ralenti la marche des négociations diplomatiques. Les conseils de cabinet, les débats parlementaires, l’agitation des partis, les préoccupations de son propre avenir comme homme d’état, enlèvent lord Palmerston à la politique étrangère. Les diplomates à leur tour doivent désirer de connaître, avant de rien conclure, le sort d’un cabinet dont l’existence est si sérieusement compromise. Jamais peut-être la guerre entre les deux grands partis qui divisent l’Angleterre n’a été plus excessive dans ses moyens ; jamais peut-être n’aura-t-elle été plus décisive par ses résultats.

Le ministère, par ses propositions audacieuses, par ses offres inattendues, a vivement appelé à lui tout le parti radical, tout le parti irlandais, tout ce qui veut en Angleterre des réformes qui pénètrent jusqu’au fond des choses, qui attaquent dans ses racines le principe du privilége, principe encore si vivace de l’autre côté de la Manche. Lord John Russel est désormais plus encore le chef des radicaux que le chef des whigs. Il s’est placé, sans point d’appui, sans moyen de résistance, sur une pente où nul homme politique n’a pu jusqu’ici s’arrêter. Il ne peut compter que sur la modération naturelle, sur le bon sens du pays. On lui a dit de s’agiter, et on espère sans doute que l’Angleterre ne s’agitera pas trop. On lui a promis de grandes choses, et on se flatte probablement de pouvoir en définitive l’apaiser avec beaucoup moins. Probablement aussi le parti whig en est-il à croire que certains priviléges, celui des céréales par exemple, une fois détruits, le pays gardera son vieux respect pour d’autres institutions entachées au fond du même vice ; qu’après avoir goûté de l’égalité, il permettra aux whigs de lui administrer cette boisson enivrante par petites doses, selon leurs convenances politiques. Si le parti whig se trompe, il cherchera alors, mais trop tard, à faire sa retraite vers les tories ;