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DE L’ARIANISME.

Origène entreprit de donner à la doctrine chrétienne les formes, les proportions et la rigueur logique d’un système complet. Il fut dogmatique avec audace, avec imagination. Il eut l’ambition scientifique de faire entrer les plus incompréhensibles mystères dans les déductions de son idéalisme, et il se trouva qu’à force de façonner le dogme suivant la convenance des lois de sa métaphysique, il en vint à le bouleverser et à le dénaturer. Origène est l’expression dernière et puissante du travail de la philosophie dans le cœur même de l’église. Quand il n’est plus, le mouvement qu’il a fomenté, en partie sans le vouloir, se détermine. Arius n’est ni un métaphysicien original, ni un théologien de premier ordre : c’est un propagateur brillant et courageux d’idées dont la conception ne lui appartient pas. Une grande connaissance de tout ce qui avait été dit avant lui, une dialectique déliée, un style à la fois plein de souplesse et d’éclat, le double talent d’écrire en prose et en vers, tels étaient les avantages avec lesquels se produisit le prêtre lybien, cet Africain qui tenait beaucoup du Grec. Quant à l’esprit de conduite, un grand art pour s’insinuer dans l’esprit des hommes, une persévérance qui savait attendre, souffrir et recommencer à propos, une constance sans raideur et sans vanité qui lui permettaient de faire sur la forme des concessions nécessaires, tout en gardant à l’esprit de sa doctrine une fidélité inflexible : voilà les qualités qui soutinrent Arius dans sa longue et orageuse carrière. C’étaient son génie et sa politique de rester au sein de l’église tout en la révolutionnant ; plutôt que de se séparer, il se rétractera sur plusieurs points ; il s’humiliera : c’est comme prêtre, c’est comme membre reconnu de la hiérarchie qu’il veut changer la foi de l’église et les bases du christianisme.

Voici le début d’un poème d’Arius, qu’il avait intitulé Thalie : « Conformément à la croyance des élus de Dieu, de ceux qui ont l’expérience de Dieu, des fils saints, des orthodoxes, de ceux qui ont eu part au Saint-Esprit, j’ai appris ce qui suit de ceux qui possèdent la sagesse, qui ont l’esprit cultivé, de personnes versées dans la science de Dieu, de ceux qui sont savans en toute chose. J’ai marché sur leurs traces ; je suis allé en harmonie avec eux, moi le célèbre qui ai souffert pour la gloire de Dieu, car, instruit par Dieu, j’ai reçu la sagesse et la connaissance. » On voit dans cet exorde le double orgueil du chef de secte et du littérateur qui aspire ouvertement à subjuguer les esprits. Arius avait encore composé des chants populaires, et il avait réussi à les mettre dans la bouche des matelots, des artisans, des voyageurs. Lui-même, à la manière de Socrate, entrait dans les