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velle idolâtrie. Ce raisonnement conduisit le prêtre orthodoxe à retourner contre les ariens le reproche de polythéisme que ceux-ci dirigeaient contre les chrétiens. Si les partisans d’Arius, ajoutait Athanase, regardent le Fils et le Saint-Esprit comme des créatures nées hors de Dieu, et si cependant ils les adorent, ils introduisent de nouveau plusieurs dieux.

Autre point de vue. Il n’y a que la croyance à la vraie divinité du Christ qui puisse donner aux hommes la certitude que la grace qui réside en Jésus est immuable et éternelle. Satan faisait une guerre perpétuelle aux hommes, et si un être fini, une créature, avait été le médiateur, l’homme serait resté toujours soumis à la mort. En un mot, si Jésus-Christ n’est pas le vrai Dieu, tout est incertain, tout chancelle, et c’est seulement en croyant à sa divinité que l’homme peut être sûr de son salut, du rachat de ses péchés ; et d’une félicité éternelle.

Cet argument à la fois logique et pratique est reproduit sous mille formes. Il y avait dans Athanase un mélange de subtilité dialectique et de passion chrétienne. Quoi de plus ingénieux que de reprocher aux doctrines rationnelles d’Arius une tendance à l’idolâtrie, et, d’un autre côté, quoi de plus conforme à l’essence même du dogme chrétien que de faire tout dépendre de la divinité du Christ ? Cette polémique désigna Athanase comme le défenseur le plus puissant que pouvait trouver l’orthodoxie ; elle lui servit de degré pour monter au siége épiscopal que rendit vacant en 326 la mort d’Alexandre, et le choix du peuple l’appela au périlleux honneur de diriger l’église dans une ville où les sectes et les partis entretenaient une agitation continuelle.

Arius avait été envoyé en exil après le concile de Nicée ; mais, quoique banni, il avait gardé ses partisans. Un prêtre qui était fort en crédit auprès de Constance, sœur de l’empereur, représenta à cette princesse l’injustice des traitemens dont Arius avait été l’objet. De quoi s’agissait-il ? D’une discussion personnelle avec Alexandre, qui avait été jaloux de l’influence d’Arius sur le peuple. Constance goûtait assez ces discours ; toutefois elle hésita long-temps avant d’intercéder auprès de l’empereur. Enfin elle s’enhardit, et Constantin, après avoir entendu le prêtre qui était si bien maître de l’esprit de sa sœur, résolut de rappeler Arius. Il lui écrivit pour lui ordonner de venir se réjouir dans la présence de son souverain, et lui offrit pour se rendre auprès de lui l’usage des relais publics. Arius accourut ; il protesta qu’il était d’accord avec la croyance de l’église et rentra en