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DE L’ARIANISME.

meilleure entente du passé. Aussi on a généralement reconnu qu’il était déraisonnable de vouloir retrouver dans des siècles dont nous sommes séparés par un long intervalle les opinions et les sentimens qui nous animent nous-mêmes. L’histoire a été admise avec ses variétés et ses contrastes, on lui a permis d’être originale, et l’on ne s’est plus scandalisé de voir ses monumens porter l’empreinte de conceptions et de pensées que nous ne partageons pas.

Avec cette façon de voir et de juger, le passé s’est ranimé pour ainsi dire, et nous avons vu un peu de lumière pénétrer dans les premiers âges. La vieille Asie, cette mère de toutes les religions, n’est pas encore connue, mais du moins elle est pressentie. Nous sommes prédisposés à comprendre le génie de cet Orient qui porte partout l’empreinte de Dieu, où toujours l’homme s’effaçait devant l’intervention divine, où toujours Dieu était adoré comme la cause unique et souveraine de tout changement dans la nature et dans l’humanité. Aussi nous ne nous étonnons plus si, dans les Écritures qui sont le fondement de la religion chrétienne, nous trouvons partout la présence et le bras de Dieu : c’est Dieu qui frappe d’épouvante les uns, donne la victoire aux autres ; c’est Dieu qui tonne, qui déchaîne les vents et les tempêtes ; c’est Dieu enfin qui relève les courages, endurcit les ames ; c’est lui qui inspire les projets sublimes et qui révèle les grandes vérités. Qui n’a pas enchanté son imagination avec les récits bibliques, avec leurs graces naïves et leurs magnificences gigantesques ? Qui n’a pas trouvé dans ces pages de l’histoire humaine des émotions aussi vives que dans les plus belles scènes de la nature ?

Mais ces plaisirs de l’esprit n’ôtent rien à son indépendance. La véritable critique sait à la fois restituer l’histoire et la juger ; elle en décompose les élémens, elle en explique l’origine et la nature. Ainsi nous avons vu de nos jours l’histoire profane et sacrée soumise à la plus savante analyse. Tout ce que les religions contiennent de symbole et de mythologie a été l’objet de nombreuses études ; on a commencé par la Grèce antique, puis on a passé à l’ancien Testament, enfin on est arrivé au nouveau, et le christianisme, dans ses monumens et dans ses textes, a été scientifiquement critiqué. Il y a six ans, le docteur Strauss a publié une Vie de Jésus-Christ où il applique au nouveau Testament les mêmes procédés que Heyne, Schelling et Ottfried Müller ont appliqués à la mythologie grecque. Strauss ne s’est pas fait le biographe du Christ, mais le critique des récits évangéliques qui nous ont transmis sa vie. Qu’a-t-il voulu démontrer ?