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LE RHIN.

Dans l’air m’est renvoyé comme une balle au cœur.
J’écoutais l’avenir dans ta voix souveraine,
Au joug harmonieux me soumettant d’abord ;
Mais la douleur m’éveille au sein de la syrène ;
Ma lèvre, en pâlissant, repousse encore pleine
La coupe où tu verses la mort.



Ne livrons pas si tôt la France en sacrifice
À ce nouveau Baal qu’on appelle unité.
Sur ce vague bûcher où tout vent est propice,
Ne brûlons pas nos dieux devant l’humanité.
L’holocauste n’est plus le culte de notre âge.
Comme Isaac pliant sous le glaive jaloux,
Pourquoi tenir courbé ce peuple sous l’outrage ?
Est-ce pour l’immoler, sans revoir son visage,
Que vous l’avez mis à genoux ?



Si patrie est un mot inventé par la haine,
Tente vide, en lambeaux, que l’amour doit ployer ;
S’il faut des nations briser la forme vaine,
Arrache donc aussi la famille au foyer !
De tout champ limité condamne la barrière.
Maudis le jeune hymen dès que son temple est clos.
Au lare domestique interdis la prière ;
Tous ensemble, au hasard, mêlant notre poussière,
Fraternisons dans le chaos.



Regarde ! dans ton vol, les cieux que tu visites,
Par des rivières d’or divisent l’infini.
 Ces royaumes profonds dont tu sais les limites,
Désertent-ils l’azur que Dieu même a béni ?
Le Bélier au Verseau cède-t-il sa frontière ?