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rent seuls pendant long-temps les esprits, et tel savant qui passait sa vie à rechercher et à expliquer des espèces de miracles, aurait cru déroger en étudiant la chute d’une pierre, phénomène qui cependant devait conduire à la découverte des principales lois de la nature. Non-seulement on admettait deux physiques, l’une illustre et royale, comme l’appelait Porta, l’autre vulgaire ; non-seulement on supposait que des causes particulières et distinctes présidaient aux phénomènes les plus remarquables, mais on croyait encore que les forces qui agissent sur notre globe sont bien différentes de celles qui animent les autres astres. Cette absence de lien, ces fausses idées, qui tendaient à multiplier outre mesure les causes physiques, et à séparer les phénomènes les uns des autres, ne permettaient point de poser les véritables bases de la philosophie naturelle. Les qualités occultes qui avaient envahi la physique, l’autorité d’Aristote soutenue par l’église, qui semblait s’opposer à tout changement, à tout progrès, étaient des obstacles encore plus graves qu’il fallait vaincre pour opérer la révolution qui devait changer la face des sciences.

Cette grande révolution est due à Galilée, immortel génie qui a fait et préparé tant de belles découvertes, et qui doit surtout être signalé à la reconnaissance de la postérité pour avoir banni l’erreur de son école et créé la philosophie des sciences. Il a été dans les sciences le maître de l’Europe. Avant lui, les hommes les plus éminens paraissaient incapables de distinguer l’erreur de la vérité, et ne cherchaient que l’extraordinaire. Après Galilée, on s’appliqua surtout à éviter les erreurs en physique ; et, à mesure que son influence se fit sentir, on vit diminuer le nombre de ces esprits qui admettaient les faits sans discussion. Ses adversaires seuls restèrent attachés aux anciennes doctrines ; mais en Italie, comme dans le reste de l’Europe, les principes de Galilée furent adoptés par tous les hommes qui ont contribué aux progrès des sciences. Le caractère spécial de ce brillant génie, c’est la critique des faits ; son œuvre, la philosophie scientifique ; il n’a pas été seulement astronome ou physicien, il s’est montré grand philosophe et c’est pour cela qu’il disait avoir étudié plus d’années la philosophie que de mois les mathématiques. Il a régénéré les sciences, et il est le maître de tous ceux qui, depuis deux siècles, cultivent la philosophie naturelle. D’autres auraient pu calculer la chute des corps ou découvrir les satellites de Jupiter ; mais aucun de ses rivaux, pas même Kepler ni Descartes, n’a su s’astreindre à ne chercher, comme lui, que la vérité. On ne peut assez le répéter, car le caractère de son esprit