Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

À quelques lieues de Foakhyr, on traverse, au milieu des montagnes, un passage déchiré, une gorge que les torrens ont ouverte et creusée. Au point le plus bas et le plus étroit du ravin, il y a un réservoir naturel d’eau de pluie où les chameaux et les Arabes s’abreuvent avec délices, malgré la couleur verdâtre et la mauvaise qualité de l’eau, car elle est peut-être pire que celle de Laghittah et d’Hammamât ; elle est si fade, que j’éprouvai des nausées en la buvant, et je m’estimai encore une fois heureux de recourir à l’eau rouge, d’ailleurs si mauvaise, de mon outre réservée ; le ballottement l’avait rafraîchie, c’était du moins un avantage.

Plus loin, on trouve encore d’autres puits ; nous y couchâmes sans en goûter l’eau. Qui croirait que des Arabes passent là leur vie, en compagnie de quelques chèvres broutant des épines, et de leur chien, ami fidèle, dévoué au sort de ses maîtres ? J’avais aussi amené mon chien, encore tout jeune et lourd sur ses pattes, mais de bonne race pour la garde, et que je voulais former à la marche ; dès le second jour, le pauvre animal avait des ampoules aux pattes et pouvait à peine se tenir debout.

À la dernière couchée, je fis lever mon conducteur à minuit, malgré ses protestations ; nous chargeâmes et partîmes au clair de la lune. Mon impatience d’arriver était extrême ; cet homme n’ayant fait que mentir et retarder la marche depuis notre départ, je ne l’écoutais plus, et je le pressais comme si nous eussions été encore à une journée de Qosseyr. Nous y arrivâmes cependant de bon matin.

L’approche de la mer s’annonce de quelques lieues par l’abaissement des montagnes et par l’aplanissement des vallées d’où la mer s’est retirée, ce retrait des eaux indique un exhaussement opéré depuis la formation et le soulèvement du terrain qui sépare le Nil de la mer Rouge. L’étude géologique de cette contrée m’a paru intéressante sous plusieurs rapports, et j’ai recueilli des notes et des coupes dont un homme de la science pourra tirer parti.

Rien n’est plus triste que l’aspect de la mer et de cette plage aride et déserte, où la petite ville de Qosseyr semble se cacher derrière les dunes, et s’abriter sous le fort qui la domine. Onze canons font toute la défense de cette chétive citadelle où je n’ai pas aperçu un seul factionnaire ; un brick de quarante hommes d’équipage suffirait pour prendre en un coup de main la forteresse et la ville. Celle-ci n’a d’ailleurs, pour toute population, que mille cinq cents habitans environ, et le port ne contenait, quand je l’ai vu, que sept à huit bâtimens, espèces de canges dont la voilure triangulaire ne se hisse