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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

Le gouverneur d’Esné, informé de l’évènement par des récits mensongers, manda vers lui le naser et ses partisans, et envoya une barque avec un chef de cavas chercher M. Prisse et son compagnon ; ils furent laissés dans les fers, transportés ainsi sur la barque et conduits à Esné, où j’étais précisément alors, de retour de mon voyage aux mines d’émeraudes. Je vis arriver la barque, j’y descendis aussitôt, et je trouvai M. Prisse et M. De Vergennes la chaîne au cou, et près d’eux, attachés aux mêmes fers, le Copte et les autres Arabes à leur service. Je ne saurais dire combien cette vue me fut pénible : je me hâtais d’aller réclamer auprès du gouverneur la mise en liberté de mes compatriotes, quand un envoyé vint de sa part les dégager et les inviter à se rendre auprès de lui. Ces messieurs refusèrent par le motif qu’ils avaient été amenés de force et qu’ils entendaient ne rendre compte de ce qui s’était passé qu’à l’agent consulaire de France, qu’ils avaient mandé à Louqsor, où ils voulaient retourner immédiatement. Le gouverneur, que j’allai voir, m’assura que ces messieurs étaient libres de rester ou de partir, ajoutant qu’il était l’ami de M. Prisse, et qu’il aurait désiré entendre de lui-même le récit des faits pour en rendre compte à son gouvernement. M. Prisse resta jusqu’au lendemain ; je partis le soir même, ramenant à Louqsor M. De Vergennes, qui, peu de jours après, redescendit au Caire. L’agent consulaire de Qenéh vint à Louqsor, où il rédigea un rapport qui vient d’être envoyé au consul-général à Alexandrie ; M. Prisse et M. De Vergennes ont aussi adressé leur plainte, et j’ai, de mon côté, rendu compte de ce que je savais de l’affaire.

En résumé, la chose est grave. Deux Français ont été violemment saisis, meurtris de coups et jetés dans les fers par un agent subalterne de l’autorité turque : une satisfaction éclatante sera demandée et obtenue ; mais il résulte de tout ceci que, si l’on n’y met ordre, l’Égypte ne sera bientôt plus abordable aux Européens.


Nestor L’Hôte.