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LE PORTUGAL.

presque universel. Dès le 6 mai, les cortès posèrent les bases de la constitution, et soixante-quatre voix contre seize décrétèrent le veto absolu, les deux chambres, et les grands principes de toutes les lois fondamentales. La conduite de l’assemblée eut un certain caractère de transaction. Elle semblait destinée à voter une loi qui, comme celle d’Espagne, tiendrait le milieu entre la charte et la constitution. Les exaltés s’en alarmèrent, leurs clameurs firent impression sur les cortès, qui, malgré l’imposante majorité qui s’était manifestée sur les principes, livrèrent les personnes, et, par un vote significatif, forcèrent les ministres à se retirer. Le nouveau pouvoir parut donc ébranlé dès son origine ; il s’isolait de ses premiers chefs et se voyait abandonné d’une partie de ses soldats. Ce fut un appât pour tous ses ennemis, et le baron de Leiria, qui commandait dans le nord, leva, le 12 juillet, le drapeau de l’insurrection. Plusieurs garnisons, plus importantes par le nom des villes que par le nombre des soldats, se soulevèrent aux cris de vive la charte ! Le maréchal Saldanha se rendit à Castel-Branco. Bientôt le duc de Terceire se joignit à lui, et pendant un mois les deux maréchaux insurgés parcoururent le pays sans opposition. Le gouvernement de Lisbonne avait confié des pouvoirs extraordinaires au vicomte de Sâ et au baron de Bonfim. Ces deux officiers, avec les forces constitutionnelles, attaquèrent le 28 août, à Rio-Mayor, les troupes des maréchaux, et, quoique de part et d’autre on eût eu plus de six semaines pour faire ses préparatifs, aucune des deux armées ne comptait huit cents hommes. N’est-ce pas la preuve évidente de l’inanité des partis et du peu de fondement de toutes ces guerres civiles, dans lesquelles, quelle que soit la cause, l’agresseur est toujours coupable ? Les constitutionnels avaient commis une mauvaise action en renversant la charte, et les chartistes eurent également tort d’attaquer la constitution. C’était, de part et d’autre, pousser aux bouleversemens par des motifs individuels. Mais les soldats furent plus prudens que leurs chefs. Après un léger combat d’infanterie où la noblesse portugaise eut à déplorer des pertes trop sensibles, les deux maréchaux ayant ordonné à leur petit escadron de charger, et le vicomte de Sâ s’étant avancé à la tête de sa troupe, les cavaliers des deux parts s’arrêtèrent à cinquante pas, remirent le sabre dans le fourreau, et, après avoir fraternisé, retournèrent fidèlement sous le drapeau de leurs chefs respectifs. Ceux-ci se virent contraints de signer un armistice, et les maréchaux se retirèrent vers le nord pour joindre le baron de Leiria, qui tenait encore dans les environs de la ville de Valence. Les forces étaient en équilibre, et la victoire dépendait du parti qu’allait prendre le corps qui, après avoir servi dans l’armée de la reine Christine, rentrait en Portugal sous les ordres du vicomte das Antas. Ce général se décida pour les constitutionnels, et, après un combat sanglant livré à Ruivaens, le 2 septembre, les débris du corps chartiste furent contraints de se réfugier en Galice.

Dans ces circonstances les cortès accordèrent au ministère des pouvoirs extraordinaires, et suspendirent dans tout le royaume la liberté de la presse et les garanties individuelles. Dès le mois de mars, les Algarves et l’Alemtejo