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L’ISTHME DE SUEZ.

(3 mètres 57 centimètres), dont les débris furent retrouvés au pied de la colonne de Pompée[1]. On peut tenir à peu près certain que des pièces de ce volume ont dû descendre de la carrière au port de Myos-Hormos.

À plus forte raison, la voie de la mer, tant que cette voie a été possible, a dû être suivie pour la plupart des produits de l’exploitation granitique du Djebel-Fateereh. Entre cette montagne et le Nil, il existe plusieurs chaînes transversales, il est vrai, peu élevées, mais qui opposent une barrière presque infranchissable au transport de lourds fardeaux, et un obstacle invincible au passage de grandes colonnes telles que celles qui gisent encore sur le sol, au Djebel-Fatteereh. Sans parler de celles, en si grand nombre, dont le fût atteint et dépasse 10 mètres, il suffit de rappeler celles qui ont près de 60 pieds anglais (18 mètres 59 centimètres) de longueur, et 8 mètres de circonférence (2 mètres 59 centimètres de diamètre), qui par leur grosseur surpassent la colonne de Pompée (dont le diamètre moyen est de 2 mètres 531 centimètres.) Ces colonnes surpassent donc de beaucoup les plus grandes que l’on connût jusqu’ici (la seule colonne de Pompée exceptée), car celle dont les restes existent près de Monte-Citorio, à Rome, n’avait que 14 mètres 784 centimètres de longueur (3 mètres 3 centimètres de moins que celle des carrières de Djebel-Fattereh), et celles des Thermes de Dioclétien n’ont que 11 mètres 91 centimètres[2] ; c’est à peu près la dimension des colonnes du Panthéon, qui proviennent en partie des carrières de l’île d’Elbe[3]. Voilà les plus grosses colonnes en granit qui aient été conservées dans les monumens antiques ; mais combien elles sont inférieures à quelques-unes de celles qui étaient travaillées dans les carrières de Djebel-Fateereh !

Jusqu’à présent on a pensé que les Romains tiraient les énormes colonnes monolithes qu’ils employaient dans leurs grands monumens de carrières très voisines du lieu d’embarquement ; ce qui rendait leur transport très facile, puisqu’on pouvait les faire glisser par un plan incliné jusque dans le navire qui les transportait immédiatement à Ostie et à Rome. Cela est vrai pour les carrières de Syène et de l’île d’Elbe ; mais la position géographique du Djebel-Fateereh ne permet pas cette explication pour les colonnes qu’on y exploitait. La distance d’environ dix de nos lieues qui sépare le Djebel-Fatteereh

  1. Dubois, Catalogue de la Collection Choiseul-Gouffier, p. 117.
  2. Rondelet, Art de bâtir, t. I, p. 17.
  3. Plattner, Busen, etc. Beschreibung der Stadt Rom, Ir, B. S. 349.