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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

race noire présentant, d’après le témoignage de M. Lesson, quelques traits de ressemblance dans leur conformation physique avec celle des nègres de Mozambique, il serait très important de savoir si les données de la linguistique confirment cette origine africaine, et s’accordent avec les conjectures du voyageur que je viens de nommer.

Une observation faite déjà depuis long-temps, et dont un orientaliste que la France a eu le malheur de perdre fort jeune, le savant et spirituel Rémusat, a tiré plus d’une fois un parti heureux, c’est que la langue d’un peuple est le miroir le plus fidèle de sa civilisation, le tableau le plus complet des révolutions sociales qui ont marqué son existence. Cette observation, aussi vraie qu’ingénieuse, s’applique de tous points aux langues océaniennes. Non-seulement ces langues conservent les traces des diverses formes qu’a revêtues la société chez les nations océaniennes, mais encore elles nous permettent aujourd’hui de suivre leurs migrations à travers cette vaste étendue de mers sur laquelle elles sont disséminées. J’ai essayé de déterminer l’époque où se firent ces mouvemens de populations, en combinant les indications que m’a fournies l’examen des faits philologiques avec les données déduites de l’étude des monumens qui couvrent le sol de Java, et avec les dates consignées dans les écrivains javanais et malays.

Les idiomes océaniens offrent trois périodes de formation, marquées par l’influence des trois systèmes de civilisation qui ont dominé tour à tour dans cette partie du globe. Le premier est celui qui se développa parmi cette race d’hommes qui a étendu ses migrations et sa langue depuis Madagascar jusqu’aux derniers archipels du grand Océan. Un voile épais que la science est impuissante à soulever, couvre le berceau où elle est née ; néanmoins l’analogie qui semble exister entre sa conformation physique et le type qui caractérise les peuples du centre et de l’est de l’Asie, pourrait conduire à supposer que c’est de ce vaste continent qu’elle est sortie. La route s’offrait toute tracée devant elle par la péninsule de Malaca, qui, dans cette hypothèse aurait servi de passage à ces populations primitives pour pénétrer dans les îles voisines. Peut-être aussi ces îles, dans des temps reculés, faisaient-elles partie de la terre ferme, dont elles auraient été séparées par une de ces convulsions de la nature qui ont laissé des traces si profondes sur tant de points de la planète où nous vivons. Au milieu de ces incertitudes, un fait se produit avec