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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

avait faite autrefois à la tête. L’union criminelle dans laquelle elle avait vécu l’affligea profondément ; elle pressa son fils de prendre une autre femme et d’aller la chercher parmi les bayadères du ciel, lui recommandant surtout de fixer son choix sur la déesse Sri. Là-dessus Watou Gounoung envoya une ambassade au ciel ; mais les dieux repousèrent sa demande. Outré de dépit, il leur déclara la guerre ; et, fort de sa puissance surnaturelle, il marcha contre eux à la tête de ses vingt-sept fils. Les dieux avaient éprouvé plusieurs défaites, lorsque Wischnou découvrit le secret magique qui rendait Watou Gounong invulnérable, et parvint à lui ôter la vie. Les vingt-sept fils de Watou Gounong ayant appris la mort de leur père, résolurent de ne pas lui survivre ; mais Wischnou, voulant qu’il y eût dans le monde un signe commémoratif de sa victoire, décida que tous les sept jours il donnerait la mort à l’un d’entre eux, de manière à les faire périr tour à tour. La douleur de Sinta, leur mère, fut au comble : elle pleura pendant sept jours, après quoi elle fut reçue dans le ciel. Son nom, celui de sa sœur Landap, ainsi que celui de Watou Gounong, ajoutés au nom des vingt-sept fils de ce dernier, formèrent la période des trente woukous (semaines), destinée à rappeler le triomphe de Wischnou. Les larmes de Sinta ayant coulé sept jours, on prétend qu’il tombe toujours de la pluie pendant le woukou qui porte son nom.

« Wischnou, saisissant le pepateh (premier ministre) et les trois assesseurs qui, avec Watou Gounong, avaient formé le conseil des cinq, décida qu’ils seraient l’emblème des quatre grandes révolutions ou Naga (serpens) : la révolution de la terre (Naga Boumi), celle du jour (Naga Dina), celle de la lune (Naga Woulan), et celle de l’année ou du soleil (Naga Tahon). Il arracha les deux yeux à Naga Boumi, afin que la terre ne pût jamais se révolter contre le ciel ; ensuite il creva l’œil gauche à Naga Dina et l’œil droit à Naga Woulan… »


L’opposition entre la mythologie javanaise et celle de l’Inde, qui se manifeste dans le Kanda, disparaît dans le Manek maya, autre poème cosmogonique qu’a produit la littérature kawi. L’ordonnance de ce poème, à la fois simple et régulière, le goût épuré qui en a exclu les exagérations monstrueuses qui abondent dans le Kanda, et la prédominance des idées indoues, attestent qu’il a été composé à une époque postérieure à celle où ce dernier vit le jour, et lorsque l’art d’écrire avait déjà fait de grands progrès. Le Manek maya procède presque entièrement du dogme bouddhique. Il reproduit sans aucun doute les doctrines de ce système religieux, telles qu’elles étaient professées à Java dans les premiers siècles de notre ère.

Ce poème, qui est basé sur une symbolique encore très obscure dans l’état actuel de nos connaissances, s’ouvre par le tableau de la création de l’univers.


« Avant que les cieux et la terre fussent créés, Sang Ywang Wiseva (le tout-