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de la Perse moderne. Ce savant voyageur rapporte avoir vu souvent, dans les villages malays, tous les habitans réunis, après la prière du soir, autour d’un ancien ou de l’imam, et écoutant avec avidité un de ces récits merveilleux[1].

Les Malays ont une sorte de composition métrique qui est pour eux l’objet de leur culte national ; c’est le pantoun, petit poème composé d’une ou plusieurs stances à rime croisée, et se prêtant aussi bien à l’épigramme, aux jeux d’esprit, qu’à l’expression des sentimens de l’amour. À la pensée contenue dans les deux premiers vers, et exprimée sous une forme symbolique ou par une image vivement dessinée, succède dans les deux derniers une pensée morale ou une maxime pratique, qui est la contre-partie et l’explication du symbole ou de l’image. La forme du pantoun est principalement consacrée aux combats de poésie, que ces peuples aiment avec passion. Deux interlocuteurs récitent des stances alternatives, qui doivent se lier l’une à l’autre par la continuation du sens, s’attaquent et se répondent ainsi pendant plusieurs heures, jusqu’à ce que l’un des deux jouteurs s’avoue vaincu. Dans l’impossibilité de donner ici une idée des règles métriques auxquelles le pantoun est assujéti, et qui en font la difficulté, je me bornerai à faire connaître, par la traduction d’un de ces petits poèmes, la nature des idées qu’ils admettent le plus habituellement, et la manière dont elles se contrastent et s’enchaînent. C’est à l’auteur des Orientales qu’est due cette version, dont le mérite est de reproduire dans un mot à mot fidèle la fraîcheur et la simplicité de l’original

Les papillons voltigent vers la mer,
Qui du corail baigne la longue chaîne :
Depuis long-temps mon cœur sent de la peine,
Depuis long-temps j’ai le cœur bien amer.

Les papillons voltigent vers la mer,
Et vers Bandam un vautour tend ses ailes ;
Depuis long-temps, belle parmi les belles,
Plus d’un jeune homme à mon regard fut cher.

Et vers Bandam un vautour tend ses ailes,
Ses plumes là tombent sur Patani :
Plus d’un jeune homme à mon cœur fut uni,
Mais tout le cède à mes amours nouvelles.

  1. Newbodt’s British Settlements in the strait of Malaca. T. II, chap. XX.