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AFFAIRES DE SUISSE.

rope. Mais les deux cabinets s’en tiendraient-ils à leur opinion sans l’exprimer officiellement, ou interviendraient-ils dans la question par des actes diplomatiques ?

On ne tarda pas à dire en Suisse que M. de Metternich avait adressé à M. de Bombelles les instructions les plus positives pour intervenir au nom de l’empereur ; cette nouvelle souleva dans tout le pays une vive irritation. Protestans et catholiques, adversaires et défenseurs d’Argovie, s’unirent dans une même pensée d’indépendance nationale. Les Suisses sont très ombrageux, très susceptibles, pour ce qui peut porter la moindre atteinte à leurs droits comme état souverain, et ils ont raison. Pour conserver entière leur liberté d’action au milieu des masses politiques qui se meuvent autour d’eux, ils ont besoin de veiller sur elle avec un soin jaloux. Le souvenir de leur neutralité violée deux fois, en 1798 et en 1813, les rend défians à juste titre. Moins une nation occupe de place sur la carte, plus elle doit suppléer par la fierté à ce qui lui manque du côté de la force. Aussi la Suisse tout entière applaudit-elle à la réponse qui fut faite par le gouvernement d’Argovie à la note du nonce qui lui avait été transmise par le vorort. Le nonce ayant dit que les stipulations du pacte fédéral avaient été les conditions auxquelles l’Europe avait garanti la neutralité de la Suisse, Argovie répondait avec raison que c’était là une erreur matérielle : le pacte avait suivi et non précédé la reconnaissance de la Suisse comme état indépendant ; la Suisse ne pouvait d’ailleurs admettre que son existence, comme nation, eût jamais pu être soumise à une condition quelconque.

M. de Bombelles remit à son tour une note au vorort. Dans cette note, qui n’était, disait-on, que le préliminaire de démonstrations plus graves, le gouvernement autrichien ne se présentait encore que comme héritier de la maison de Habsbourg, fondatrice des couvens supprimés. On sait que la maison de Habsbourg est originaire du pays d’Argovie ; les couvens de ce pays devaient la plus grande partie de leurs richesses aux dons des princes et princesses de cette famille dont les tombeaux y étaient conservés. M. de Bombelles déclarait dans sa note que l’empereur son maître protestait, en sa qualité de descendant des fondateurs et donateurs des couvens de Muri et autres, contre tout acte par lequel les biens provenant du patrimoine de ses augustes ancêtres seraient détournés de leur destination première ; de plus il rendait les autorités d’Argovie responsables de tout acte de profanation ou de destruction qui serait exercé contre les tombeaux des Habsbourg et contre les archives qui contenaient les docu-