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questions européennes sans le concours de la France est une de ces hardiesses, pour ne pas dire de ces folies, qu’il est sage de ne pas prolonger.

C’est avec tous ces mécomptes, ces irritations, et avec la perspective de la ruine prochaine de son cabinet, que lord Palmerston est arrivé sur les hustings. Homme passionné, il a voulu se donner une facile satisfaction ; candidat, il a caressé les préjugés nationaux de ses électeurs ; ministre, il a parlé à ses amis politiques en Europe. Il leur a dit implicitement : — Vous me trouverez toujours le même, l’ennemi du gouvernement français ; entre lui et moi, il n’y a ni trêve ni paix ; ses ennemis peuvent compter sur moi et comme ministre et comme chef de l’opposition. — Nous ne savons pas quel sera l’avenir politique de lord Palmerston ; nous savons seulement que, si sa vie publique n’est pas terminée, ses inconvenantes paroles, que la France doit regarder comme l’expression d’une colère impuissante et ridicule, n’auront d’autre effet que d’être un embarras pour lui.

Il serait prématuré de rechercher quelles seront, à l’égard de la politique extérieure, les dispositions du cabinet que les élections vont très probablement donner à l’Angleterre. Nous n’en connaissons pas encore tous les élémens et toutes les nuances. D’un côté, il est difficile que la retraite de lord Palmerston et de ses trop dociles collègues nous laisse des regrets ; de l’autre, nous ne pouvons pas oublier que nos tendances, nos doctrines, nos sympathies politiques, ne sont pas celles des conservateurs anglais, surtout si les tories absolus prenaient quelque influence dans la nouvelle administration. À tout prendre, nous pouvons être tranquilles observateurs des péripéties de la lutte anglaise. La justice comme la prudence nous commandent d’attendre les faits.

Au surplus, l’occasion de s’expliquer catégoriquement peut se présenter d’un instant à l’autre. Les affaires d’Orient sont toujours en suspens. Si les populations chrétiennes n’ont pas chassé les Turcs, les Turcs à leur tour n’ont pu dompter toutes les insurrections. Les Candiotes résistent ; quelques secours leur arrivent de leurs co-réligionnaires, et si l’Europe ne sent pas se réveiller pour eux cet élan qui seconda si puissamment la première insurrection grecque, il y a du moins pitié et sympathie. Il s’est même élevé à leur égard une polémique que nous avons quelque peine à comprendre, tant les rôles nous paraissent nettement tracés par la force même des choses.

Et d’abord, quoi qu’on dise, l’Europe ne confondra jamais l’insurrection des populations chrétiennes contre la stupide et cruelle domination des Turcs avec les menées et les émeutes de la démagogie. Déjà, lors de la première insurrection, les polices européennes voulurent, soit par erreur, soit par ruse, établir cette confusion d’idées ; l’Europe ne prit point le change ; elle ne le prendra pas davantage aujourd’hui. Qu’il y ait en Grèce je ne sais quel émissaire de je ne sais quel comité directeur, cela est possible. Qu’est-ce que cela prouve ? On dit que les vautours suivent les armées ; décident-ils de la paix et de la guerre ? livrent-ils les batailles ?

L’Europe ne sait qu’une chose : c’est que le gouvernement turc, malgré la