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Qui songeait à en orner sa demeure ? Où étaient les galeries, les collections ?

Tout semble changer d’aspect dès que Henri IV est depuis quelques années sur le trône ; on dirait que tous ces autres arts, rivaux heureux de la peinture, ont péri dans nos guerres civiles, et qu’il n’en reste plus qu’une ombre. L’architecture est mise à l’écart, les maisons qu’on bâtit sont presque entièrement en brique, on ne pense plus à les décorer. Quant à la peinture sur verre, il n’en est plus question ; et pour la sculpture, elle qui puise sa plus forte sève au sein de l’architecture, il est tout simple qu’elle languisse quand sa compagne s’affaiblit. Les tableaux, au contraire, étaient comme des nouveautés dont tout le monde était friand ; c’était vers la peinture que se tournaient tous les hommes, et il était facile de prévoir que les peintres allaient bientôt devenir les personnages les plus importans dans notre domaine des arts.

La principale cause de cette réaction nous venait d’Italie ; les Carrache étaient alors dans tout leur éclat ; les querelles entre les naturalistes et les idéalistes commençaient à devenir bruyantes, et le retentissement en venait jusqu’à nous. Ceux de nos jeunes artistes qui pendant les troubles avaient quitté la France et passé les Alpes, faisaient à leur retour les plus merveilleux récits des miracles qui s’opéraient à Bologne. Enfin, pour achever de nous séduire, on nous envoyait des bords de l’Arno une nouvelle reine pour qui les tableaux étaient devenus un luxe nécessaire, et qui allait faire de l’amour de la peinture la vertu obligée des courtisans.

Nous n’avions alors parmi nos peintres rien de bien remarquable à lui offrir. Le vieux Dubreuil vivait encore, et les glaces de l’âge ne lui avaient pas apporté le talent qu’il n’avait jamais eu. Cependant le roi, qui avait repris avec ardeur les embellissemens de Fontainebleau comme pour constater que la royauté continuait son œuvre, faisait, depuis quelques années, travailler sous les ordres de Dubreuil Ambroise Dubois[1], Bunel, Lerambert, Jean de Brie et quelques

  1. De tous ces peintres, Ambroise Dubois est le seul dont il reste quelque chose. Les tableaux encastrés dans le plafond de la salle ovale à Fontainebleau, salle où naquit Louis XIII, sont de la main d’Ambroise Dubois. Ils représentent les amours de Théagène et Chariclée. Sauf deux ou trois figures dont les airs de tête ne manquent pas d’élégance, il n’y a dans tous ces tableaux qu’un style tellement mou et banal, qu’au premier coup d’œil on ne sait à quelle époque ils appartiennent. L’exécution matérielle n’est cependant pas sans quelque mérite.