Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
366
REVUE DES DEUX MONDES.

36 voix de majorité, quelques whigs s’étant volontairement abstenus, et 13 ayant positivement voté avec les tories. On sait aussi qu’au lieu de quitter la place sur-le-champ, le ministère annonça l’intention de faire discuter auparavant la loi des céréales. Alors devint plus évidente encore la tactique des chefs tories. Nul doute qu’en laissant venir à discussion le bill des céréales, une majorité considérable ne leur fût assurée. Que fait cependant sir Robert Peel ? Au risque de diminuer, peut-être de perdre la majorité, il propose à la chambre de déclarer qu’elle n’a point confiance dans le cabinet, et que celui-ci ne peut rester plus long-temps au pouvoir sans enfreindre toutes les règles parlementaires et constitutionnelles. Et dans ce grand débat que discute-t-on ? Est-ce la question des céréales, des sucres ou des bois de construction ? Pas le moins du monde. Quel est, d’après la rigueur des principes constitutionnels, le moment précis où les ministres, après une ou plusieurs défaites, sont tenus de se retirer ? Qu’ont fait en pareille circonstance Robert Walpole, lord North, M. Pitt, lord Sidmouth, lord Liverpool, le duc de Wellington, et sir Robert Peel lui-même ? Voilà le sujet, l’unique sujet du débat où, par un renversement singulier des rôles habituels, on voit les tories s’appuyer presque constamment de l’autorité de Fox, les whigs de l’autorité de Pitt. Ainsi ce sont d’un côté deux membres du cabinet, sir John Cam Hobhouse, jadis radical ardent, et M. Macaulay, le plus libéral des ministres, qui vont jusqu’à dire, le premier, « qu’après tout, le ministère possède la confiance de la reine, et que c’est encore là le plus sûr et le meilleur des appuis ; » le second, « que le ministère, à la vérité, doit se retirer ou dissoudre, quand il est battu sur une question qui touche à l’administration ou à la direction générale des affaires, non quand il s’agit seulement de législation. » Ce sont, d’un autre côté, sir Robert Peel et lord Stanley, qui, avec énergie, avec éloquence, protestent contre de telles hérésies, contre de tels sophismes, et prennent fait et cause pour la prérogative parlementaire. « La doctrine de sir John Cam Hobhouse, s’écrie lord Stanley, est la négation du gouvernement représentatif tel qu’il existe en Angleterre depuis 1688. Il n’y a pas de plus grave offense que d’insinuer une si pernicieuse doctrine dans l’oreille d’un souverain de la maison de Hanovre. » — « La chambre des communes, répète à plusieurs reprises sir Robert Peel, est le centre de gravité de l’état. Un ministère qui ne possède pas la confiance pleine et entière de la chambre des communes, ne peut continuer à gouverner sans se mettre hors de la constitution. » Sir Robert Peel rappelle