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LA HOLLANDE.

Le triste résultat de cette expédition ôta aux négocians qui y avaient pris part et aux états-généraux toute envie d’en organiser une troisième. Cependant la petite flotte avait encore rencontré cette fois les Samoïèdes qui affirmaient qu’à l’extrémité de la Nouvelle-Zemble, on trouvait une mer très étendue qui baignait les côtes de la Tartarie et s’étendait jusqu’à des contrées plus chaudes ; c’en était plus qu’il ne fallait pour entretenir un reste d’espoir dans le cœur des plus opiniâtres. Lischoten, qui passait pour un homme habile et qui, après avoir visité l’Inde, venait de faire ces deux voyages au nord, déclarait hautement qu’il croyait encore à la possibilité de trouver le passage tant désiré. Un géographe également estimé pour son savoir et son expérience, exprimait la même opinion, et, pour lui donner plus d’autorité, citait la Bible. Qu’il me soit permis de rapporter ce passage de sa dissertation vraiment remarquable comme spécimen des idées religieuses et géographiques du temps : « Je crois que si les Hollandais entreprennent de vouloir encore reconnaître le Waigatz, il faut qu’ils fassent leur compte d’y demeurer deux ou trois ans, vers le Waigatz ou Pechora, où ils trouveront un bon port et des vivres. Il faudrait qu’ils fissent partir des barques, comme font les Russiens avec lesquels il serait nécessaire de se bien entretenir, et par ce moyen on les engagerait à montrer le chemin, ce qui est la véritable voie pour faire cette découverte.

« Il n’y a pas de doute qu’on découvrirait plusieurs beaux pays du continent et d’agréables îles ; il peut être même, et cela n’est pas sans vraisemblance, que l’Amérique vers la Chine est jointe aux trois autres parties du monde par quelque pointe ou langue de terre, ainsi que l’Asie l’est à l’Afrique, proche de la mer Rouge. En effet, personne n’a pu dire jusqu’à présent que cela ne soit pas ; on ne sait là-dessus que ce qu’on a trouvé dans quelques écrits des anciens païens qui marquent que ces trois parties du monde se sont séparées de l’autre, et qui rapportent toutes les raisons qu’ils peuvent pour le prouver.

« Que, s’il y a séparation, il faut qu’elle ne soit que d’un détroit bien petit. Autrement comment peut-on comprendre qu’il y ait eu des peuples dans l’Amérique, cette partie du monde si grande et si étendue, puisque Adam a été créé dans l’Asie ? Par où y seraient-ils allés, puisqu’on ne lit point dans les Saintes Écritures qu’il y ait eu de navires ni de bateaux avant l’arche, c’est-à-dire avant le déluge, ni que les créatures qui peuplent le monde aient tiré leur origine de divers endroits, ou d’ailleurs que du paradis ? »