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REVUE DES DEUX MONDES.

Et les cloches sonnaient, l’église était en face ;
J’entendais le curé qui chantait la préface, etc.

Charmante pièce tout embaumée et naïve comme un reposoir de campagne, avec ses cierges allumés en plein air et ses pots de fleurs qui s’effeuillent sur la nappe blanche ; citons encore le numéro XLII.

Mozart dans mon été saisit mon ame ardente ;
Ensuite j’adorai l’impérissable Dante,
Et maintenant Jésus, me prenant par la main,
Me conduit doucement jusqu’au bout du chemin.

Les noms chéris des divins maîtres que l’auteur fréquentait jadis sont ramenés souvent avec bonheur : Raphaël, Dante, Mozart, Cimarosa, arc-en-ciel qui se lève sur tant de misères et de deuil, rayons fortunés qui sillonnent cette affreuse nuit du cerveau. C’est là, du reste, le seul motif qui rappelle encore l’art dans ce livre, et il faut le dire, à partir des dernières pièces des Poésies italiennes, qui sont, en fait d’art, ce qu’il a produit de plus complet, M. Antoni Deschamps semble ne plus tenir compte de la forme ; dans la douleur immense qui le travaille, le poète semble avoir oublié désormais la rime, la césure, tout jusqu’à la langue, jusqu’aux plus simples lois de la versification. Il ne chante plus, il se lamente, et les mots tombent de ses lèvres pêle-mêle et confus comme des sanglots. Fragmens de vers italiens, morceaux de vers latins, proverbes et centons à la manière des complaintes, tout lui est bon. Il répand son inspiration telle quelle et sans prendre la peine de la déblayer du fatras qu’elle entraîne avec elle. Aussi, doit-on avouer que le mérite de ce livre réside tout entier en dehors des conditions de l’art. On ne saurait appeler cela de la poésie. La poésie vit de forme aussi bien que de sentiment, d’imagination autant que d’empirisme. Le mots ne trompent pas leur origine ; poète veut dire faiseur, et, si sympathique, si profond et si vrai que puisse être le cri abrupte de la conscience, en dehors d’une certaine plasticité, la poésie ne saurait exister. Les Dernières Paroles expriment trop crûment la situation exceptionnelle d’un individu (et c’est là le mérite du livre) pour qu’on puisse y voir autre chose qu’un fait idyosincratique. Ces sortes d’ouvrages ne se classent point ; où les mettrait-on ? Cela est trop réel pour s’appeler de la poésie, trop poétique pour être de la morale. Cependant, s’il me fallait absolument assigner une place au livre de M. Antoni Deschamps, je le rangerais entre les Paroles d’un Croyant et les Mémoires de Pellico. On trouve en effet, chez M. Antoni Deschamps, la parabole fréquente de M. de Lamennais et le ton évangélique du philo-