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LES GAULOIS EN ASIE.

la plus opposée à leurs intérêts, en se liguant tantôt avec les musulmans contre les Latins, tantôt avec Tamerlan contre les Turcs, tombèrent dans un esclavage dont ils souffrent encore depuis près de cinq siècles.

Malgré tant de ravages et de guerres désastreuses, la Galatie, par la fertilité de son sol et la richesse de ses produits agricoles, est encore une des provinces les plus heureuses de l’Asie mineure, car les vieux Gaulois, guerriers intrépides, peu soucieux des arts et complètement étrangers aux lettres, avaient l’agriculture en grande estime, et ce n’est pas le hasard qui les dirigea dans le choix qu’ils firent de ces provinces pour s’y fixer, de préférence à d’autres cantons de l’Asie mineure. Un climat sain et tempéré, un pays coupé de montagnes et de plaines, où les troupeaux trouvaient une nourriture abondante et choisie, un grand lac au sud de la province qui fournissait du sel au-delà des besoins pour les troupeaux et pour les hommes, et des hivers assez froids pour leur rappeler les frimas de leur patrie, qui retrempent les forces abattues par les chaleurs de l’été, tels étaient les élémens de prospérité sur lesquels ils avaient compté. Les troupeaux nombreux qui se sont perpétués dans ces contrées avaient attiré leur attention ; on sait que dans l’antiquité il n’y avait pas de meilleurs bergers que les Gaulois. Aucun peuple ne savait si bien gouverner les troupeaux, soigner les brebis, préparer les laitages, et recueillir les produits. Ils estimaient qu’un berger ne peut bien gouverner plus de quatre-vingts moutons. Ils avaient soin de frotter les brebis fraîchement tondues avec de l’huile et du vin, et couvraient d’une peau les toisons les plus précieuses.

Les anciens pensaient que le sel fossile doit être choisi de préférence pour saler les fromages, et Strabon nous atteste que l’Asie mineure en exportait jusqu’en Italie. L’usage des préparations diverses du lait s’est perpétué en Galatie ; les Turcomans et les nomades font du lait la base de leur nourriture. Ils estiment particulièrement le lait aigri et à demi caillé, qu’ils appellent youhourt. Varron nous apprend que la substance laiteuse qui sort de la feuille d’un figuier fraîchement coupée servait, chez les Grecs, pour faire cailler le lait. Les moutons de la Galatie sont de la même race que ceux de la Cappadoce ; ils portent une queue large et pesante qui forme une masse de graisse du poids de vingt livres et au-delà. Ce sont ces troupeaux qui faisaient la richesse du roi Ariarathe. La laine de ces brebis est touffue, mais n’est pas assez belle pour être employée en tissus un peu fins. Les anciens bergers étaient dans l’usage d’arracher la toison