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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

femme, sœur du roi de Prusse, poussée à bout par d’indignes procédés, avait quitté le pays et s’était retirée à Bonn. Ces scandales, et les nombreux abus qui s’y liaient, entretenaient une certaine fermentation parmi le peuple, tandis que le prince, effrayé par les rapports exagérés de ses espions, devenait de jour en jour plus méfiant et plus tyrannique. Un pays ainsi gouverné ne pouvait manquer d’être séduit à son tour par les exemples donnés en France et en Belgique. On s’insurgea à Cassel le 6 septembre, et à Hanau le 24 : on demanda la convocation des états, la réforme des abus et le renvoi de la comtesse de Reichenbach, à l’influence de laquelle on attribuait à tort ou à raison la plupart des actes dont on avait eu à se plaindre. L’électeur, n’étant pas en mesure de résister avec avantage, promit tout ce qu’on voulut, convoqua les états, qui s’assemblèrent le 16 octobre et rédigèrent une nouvelle constitution qu’il accepta d’assez bonne grace. Cette importante concession et le retour de l’électrice commençaient à calmer les esprits, lorsqu’on apprit que la comtesse de Reichenbach, qu’on croyait éloignée pour toujours, venait d’arriver à Wilhelmshoche[1]. Cette nouvelle ayant fait renaître dans Cassel une agitation menaçante, la favorite effrayée s’enfuit, suivie de près par l’électeur qui ne pouvait se résoudre à se séparer d’elle. Peu de temps après, le prince déclara qu’il ne reviendrait pas dans sa capitale, tant que l’esprit des habitans n’aurait pas changé, et il finit plus tard par remettre le gouvernement à son fils.

La Saxe fut le théâtre de la troisième révolution. Celle-ci eut des causes plus politiques que personnelles au souverain, vieillard respectable et inoffensif, auquel on ne pouvait reprocher que de la faiblesse et de l’incurie. Les Saxons, peuple lettré et industrieux, se plaignaient depuis long-temps qu’on n’eût rien changé aux anciennes institutions, lesquelles mettaient tout le pouvoir entre les mains de la cour et de l’aristocratie, et laissaient subsister une foule des vieux abus du XVIIIe siècle. Une autre cause de mécontentement était la dévotion du roi dont la religion n’était pas celle de la nation[2], et les faveurs, assez insignifiantes du reste, qu’il accordait à la très faible minorité catholique de ses sujets. Au mois de juin 1830, les autorités de Dresde et de Leipzig avaient eu la maladresse, pour faire leur cour au prince, de défendre certaines manifestations trop

  1. Résidence d’été, à une lieue de Cassel.
  2. La branche royale, ci-devant électorale, de la maison de Saxe est catholique depuis Frédéric-Auguste II, qui ne put devenir roi de Pologne qu’en abjurant le protestantisme.