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aujourd’hui au monde que tout est consommé, cela est naturel, et nous leur en avons donné le droit ; mais nous serions le dernier des peuples si nous ne nous en sentions pas, au fond de l’ame, attristés et humiliés. Tout ce qu’on peut faire de mieux pour la convention du 13 juillet, c’est d’ignorer le jour où elle a été signée, et de la juger indépendamment de l’acte qui l’a précédée. C’est ce que je vais faire.

J’ai lu avec attention tout ce qu’on a publié depuis un mois en faveur de la convention du 13 juillet. Voici, ce me semble, à quoi ses prétendus avantages se réduisent. Elle abolit le protectorat exclusif de la Russie et de la Porte, tel qu’il résultait du traité d’Unkiar-Skelessi, et le remplace par un protectorat européen. Elle offre à la diplomatie française un point d’appui nouveau en lui donnant le moyen de former avec l’Autriche et la Prusse une alliance solide contre l’Angleterre et la Russie. Directement et indirectement, la convention du 13 juillet ajoute donc à la force comme à la considération du pays.

D’abord, quand au premier avantage, l’abolition du traité d’Unkiar-Skelessi, il est bon de rappeler ce que c’est que ce traité et dans quelles circonstances il fut conclu. La clôture des détroits est, personne ne l’ignore, un principe immémorial fondé à la fois sur le droit de la Porte à la souveraineté des deux rives, et sur le droit des puissances alliées de la Porte à un traitement égal. Cependant, en 1833, après la convention de Kutayah, quand les Russes, à la demande formelle des cabinets de France et d’Angleterre, durent se retirer de Constantinople et du Bosphore, ils emportèrent un traité qui, sous prétexte d’une alliance défensive entre les deux états, fermait pendant huit ans les Dardanelles aux vaisseaux de guerre étrangers, bien que le Bosphore restât ouvert aux vaisseaux russes. Dès que cet arrangement fut connu, la France se borna à déclarer « qu’en cas de guerre elle agirait en Orient comme si le traité n’existait pas, et l’Angleterre, après avoir posé quelques questions auxquelles le divan ne répondit pas, fit un peu plus tard à peu près la même déclaration. Depuis ce moment, les choses en restèrent là, et le traité d’Unkiar-Skelessi ne reçut aucune application.

Quelle était donc l’importance réelle du traité d’Unkiar-Skelessi ? À vrai dire, il n’y avait dans ce traité qu’une seule chose, une alliance défensive entre la Porte et la Russie. L’ouverture du Bosphore aux Russes si la Porte était menacée, la clôture des Dardanelles aux vaisseaux anglais ou français si la Russie était en guerre avec l’Angleterre ou la France, tout cela résultait naturellement, nécessairement de