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pelle fort durement que, par sa signature du 13 juillet, elle a accepté sinon les moyens du traité du 15 juillet, du moins son but et ses conséquences. De deux choses l’une alors comme en 1840 : ou la France acceptera une résolution mauvaise, selon elle, et contraire à ses intérêts ; ou elle quittera une seconde fois le concert européen. Dans le premier cas, quelle honte ! Dans le second, quelle dérision !

Avec l’isolement en dedans, il faut d’ailleurs renoncer à tous les bénéfices qui, aux yeux de quelques personnes, ont rendu désirable la rentrée dans le concert européen. Cette rentrée, on le sait, devait mettre fin à toutes les inquiétudes, procurer à la France une paix plus douce, permettre dans les dépenses de la guerre et de la marine de considérables réductions. Rien de tout cela, si au fond, entre les quatre puissances et nous, la situation n’est pas changée ; c’est alors une capitulation sans motif, un sacrifice sans compensation.

Bonne en soi et meilleure en raison des évènemens nouveaux, consacrée d’ailleurs par le vote de la chambre et acceptée par l’opinion du pays, la politique d’isolement avait trop d’avantages pour qu’un homme politique aussi éminent que M. le ministre des affaires étrangères ne la trouvât pas utile pour le pays, commode pour le cabinet. Il l’a pourtant abandonnée, et nous a fait entrer dans une voie toute nouvelle, sans se dissimuler sans doute la grande responsabilité qu’il encourait. Pourquoi cela, et comment expliquer cet étrange revirement ? Je vais dire très sincèrement là-dessus ce que je sais et ce que je crois.

L’idée de la politique d’isolement n’est pas si nouvelle qu’on le pense. Elle naquit en 1836, lors de la querelle avec l’Angleterre au sujet de l’intervention en Espagne. Elle devint presque systématique en 1839, quand l’Angleterre proposa à la France d’agir de concert contre la Russie et de frapper un grand coup. Mais alors, dans l’esprit de ceux qui la concevaient, la politique de l’isolement n’avait qu’un but : retirer autant que possible la France des affaires de ce monde, éviter de se prononcer entre l’Angleterre et la Russie ; en un mot, voir couler l’eau sans se mouiller. C’était, l’évènement l’a prouvé, jouer un jeu dangereux et risquer de réunir tout le monde contre soi. Il est vrai que, dans ce cas extrême, il restait une dernière ressource, celle de céder à tout le monde.

Quoi qu’il en soit, quand après la retraite d’octobre 1840 l’isolement fut proposé, il rassembla naturellement dans un même vote, ceux qui croyaient y voir l’unique moyen de conserver encore une action indépendante et digne et ceux qui espéraient y trouver un