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les frais d’un état de choses dont elles n’avaient en rien profité. M. de Metternich demandait donc à Londres que, pour en finir, on proposât à la France de signer quelque chose en commun, et en même temps il agissait à Paris pour faire sentir la nécessité d’oublier tout ce qui s’était passé et de rétablir les vieilles relations.

On comprend facilement qu’en présence de ces ombrages de l’Angleterre et de ces avances de l’Autriche et de la Prusse, la politique d’isolement, pour les hommes qui la voulaient inactive et contemplative, prît un caractère tout nouveau. Maintenir la politique d’isolement, ce n’était plus rester spectateur neutre et impartial entre toutes les puissances ; c’était mécontenter l’Angleterre, et peut-être se brouiller avec l’Autriche et la Prusse. À mesure que se manifestait ainsi la mauvaise humeur de l’Europe au sujet de la politique d’isolement il arrivait donc deux choses contradictoires en apparence, mais au fond parfaitement logiques : c’est que les uns s’y attachaient de plus en plus, et que les autres s’en détachaient chaque jour. On peut dire qu’à cet égard la politique d’isolement subissait précisément les mêmes phases et les mêmes retours que la politique plus décidée qui suivit le traité de juillet. Tant qu’on avait cru que cette politique triompherait sans combat et presque sans difficulté, tout le monde s’y était rallié. Le jour où l’on vit qu’elle faisait courir au pays quelques dangers et que la guerre pouvait s’ensuivre, beaucoup la désertèrent. C’est aussi l’histoire de la politique d’isolement.

Il est assez difficile de savoir quelle fut d’abord l’opinion du cabinet relativement aux ouvertures de l’Autriche et de la Prusse. J’ai pourtant lieu de croire qu’il les accueillit sans beaucoup d’empressement. Après avoir répété partout, deux mois auparavant, que la France, pour son honneur comme pour ses intérêts, devait se tenir long-temps à l’écart, il était difficile de démentir soudainement ses paroles et d’opérer si vite un rapprochement que rien ne justifiait. Après avoir vanté les avantages de la politique d’isolement, il était fâcheux de se jeter sans motif avouable dans une autre politique. Quoi qu’il en soit, le cabinet, après quelque hésitation, déclara, dit-on, qu’il ne délibérerait sur les propositions à lui faites qu’à deux conditions : la première, qu’on ne dirait rien de nos armemens ; la seconde, que l’acte à signer ne ferait pas mention du traité du 15 juillet. De telles conditions ne pouvaient manquer d’être acceptées. Elles le furent en effet, du moins par celles des puissances qui désiraient le rapprochement.

Que se passa-t-il alors ? Un jour on le saura. Tout ce que je puis