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France se privait d’une force bien réelle. Il faut reconnaître qu’elle s’enlevait ainsi le moyen de donner, au jour de la lutte, de sérieux embarras à ses ennemis, et de faire à son profit une puissante diversion.

Après s’être résignée à la diminution de sa puissance territoriale, après avoir volontairement abdiqué sa puissance révolutionnaire, que restait-il à la France pour tenir parmi les nations le rang qui lui appartient ? Il lui restait le maintien et le développement de son influence. Il est, tout le monde le sait, inévitable que les grandes puissances, tout en respectant les droits des petites, aient une certaine sphère où leur action s’exerce plus particulièrement et avec plus de succès. Il est inévitable qu’entre les états du premier ordre il s’établisse ainsi un équilibre d’influences comme de territoires. Plus le gouvernement français avait été prudent et modéré en s’abstenant de soulever la question territoriale et la question révolutionnaire, plus il s’était engagé à ne point fléchir sur la question d’influences. Si là encore il laissait les états rivaux s’étendre et s’accroître sans compensation, il ne restait plus à la France qu’à oublier qu’elle fut un grand pays, et qu’à renoncer à la fois à toutes ses prétentions.

On doit rendre cette justice au gouvernement de juillet, que, pendant quelques années, il comprit bien ce devoir et remplit honorablement cette mission. Au point de vue de ceux qui voulaient la guerre territoriale ou la guerre révolutionnaire, le gouvernement de juillet sans doute ne faisait pas assez ; mais il est impossible de nier qu’en Belgique, en Italie, en Suisse, en Grèce, en Espagne, en Portugal, dans l’Amérique du Sud, dans l’Orient enfin, la France n’ait exercé, pendant quelques années, une véritable influence. Cette influence n’était point exclusive et ne pouvait pas l’être. En Belgique, en Portugal, en Espagne, dans l’Amérique du Sud, l’Angleterre rivalisait avec nous. Nous rencontrions l’Autriche en Suisse et surtout en Italie, où son pouvoir était mieux assis que le nôtre. Dans l’Orient enfin et en Grèce, nous nous sentions pressés d’une part par l’Angleterre encore, de l’autre par la Russie. Partout néanmoins nous avions notre part et nous tenions notre place. Quelle est notre part et notre place aujourd’hui ? Je commence par l’Italie.

Il faut d’abord reconnaître que, dans l’état actuel de l’Europe, la France ne saurait prétendre à exercer en Italie l’influence principale. Cette influence appartient nécessairement à la puissance qui possède directement Milan, Venise, Mantoue, Vérone, et indirectement Parme et Modène ; à la puissance qui tient en outre garnison