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assise, dans une attitude rêveuse, au milieu de livres et de parchemins épars ; deux enfans jouant avec un hibou sont groupés auprès d’elle. La silhouette nocturne d’une ville avec ses tours et ses remparts se découpe sur un ciel de clair de lune.

La Force. — Elle est symbolisée par une femme robuste, d’aspect athlétique, qui tient un lion enchaîné ; derrière elle, on aperçoit Hercule qui étouffe Antée, et des génies qui soulèvent la colonne brisée.

La Clémence. — Elle pardonne à un groupe de prisonniers ; d’un geste de la main, elle écarte les faisceaux suspendus sur les têtes coupables. À côté d’elle, un génie brise l’épée vengeresse ; au-dessus plane un aigle, un foudre dans les serres, un rameau d’olivier dans le bec.

En tout huit tableaux, sans compter le plafond. — Jamais peut-être M. Boulanger ne s’est montré meilleur coloriste. Le nombre et la variété des attributs, le mélange du nu et des étoffes, les coins de paysage et les bouts de ciel qui servent de fond, ont fourni au peintre, qui en a bien profité, de nombreuses occasions de déployer toutes les ressources de sa palette. Il est difficile de voir quelque chose de plus gai et de plus riche à l’œil. M. Louis Boulanger s’est librement inspiré de Rubens, souvenir qu’autorise et que justifie l’endroit pour lequel il travaille ; on peut penser à Rubens dans ce palais encore tout ébloui du rayonnement de la galerie Médicis. — L’Étude et la Méditation forment avec tout cet éclat le plus habile et le plus heureux contraste. La figure de la Nuit, étendant son voile sur la Méditation, est d’une grande originalité de jet et de couleur. Le caractère demi-antique, demi-romantique, répandu sur toute la composition, y donne beaucoup de charme et de piquant.

Les têtes des deux jeunes femmes qui s’embrassent dans le tableau de la Concorde sont d’une grace et d’une couleur charmantes. Nous ferons remarquer aussi comme vigueur anatomique le groupe des lutteurs, comme pâte souple et grasse, et comme effet de clair obscur, la femme endormie, les bras reployés sur sa tête, dans le panneau de la Méditation. Le lion tenu en laisse par la Force ne le cède guère à ceux de Barye et de Delacroix. Les fruits, les étoffes, les accessoires, sont touchés d’un pinceau facile, heureux et brillant, qui devient de plus en plus rare aujourd’hui qu’une recherche malentendue de la sévérité et du style fait négliger la couleur et l’entrain de l’exécution.

M. Flandrin est un exemple de ce que nous avançons ici. Certes c’est un jeune homme plein de mérite, nourri d’études austères et