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REVUE. — CHRONIQUE.

préjugés se dissipent. Le gouvernement a pris deux mesures qui ne sont pas sans inconvéniens, mais dont cependant les résultats immédiats sont satisfaisans. Il a rassuré les esprits à l’égard des patentes, et appelé les conseils-généraux à délibérer sur la question du recensement.

Les délibérations des conseils ont reconnu en général la légalité et même l’opportunité du recensement tel que le ministre l’avait ordonné. Il n’y a aucune raison de supposer un résultat différent pour les délibérations qu’on ne connaît pas encore. Ces déclarations contribueront sans doute à calmer et à éclairer les esprits. Elles laissent pressentir en même temps le vote des chambres, les conseils généraux étant en grande partie composés de pairs et de députés. Il n’est pas moins vrai que c’est un fait grave que ces délibérations des conseils locaux sur une question d’administration générale. On leur a en quelque sorte déféré l’interprétation de la loi. Cela n’est guère dans les principes de notre gouvernement. Nous devons espérer que ce fait ne sera pas un précédent.


ÉDIFICES DE ROME MODERNE,
PAR P. LETAROUILLY.[1]

On se plaint trop que notre époque n’ait point une architecture qui lui soit propre. Sans doute il y a de la vérité dans le reproche, mais il est injuste de faire tomber tout le blâme sur les artistes. Une architecture originale ne s’invente pas ; elle est l’infaillible résultat de mœurs, d’usages, de besoins bien caractérisés, durables surtout. Or, dans le temps où nous vivons, que voyons-nous, sinon une lutte incessante entre de vieilles traditions et des idées nouvelles ? L’absence de convictions, l’imprévoyance, l’insouciance de l’avenir, ne sont-elles pas les maladies de notre société ? Jamais, il faut l’avouer, époque ne fut moins propre au développement des arts.

On bâtit beaucoup aujourd’hui cependant, et Paris est plein de maisons nouvelles ; mais quel est le problème à résoudre ? Faire tenir le plus grand nombre de locataires possible dans le plus petit espace possible, et construire assez solidement pour que la maison ne s’écroule pas avant qu’on ait trouvé un acheteur. Voilà pour les constructions particulières ou civiles, comme on dit. Quant aux constructions publiques, aux monumens exécutés par ordre du gouvernement, ils ne se ressentent pas moins de l’incertitude de nos institutions.

Qu’un ministre, ou une chambre des députés, ou bien un conseil municipal, décide la construction d’une église, l’architecte est nommé ; le voilà à l’ouvrage, il fait ses plans, on les agrée, les fondations sont posées, les gros murs sont déjà hors de terre. Tout à coup vient un autre ministre, une autre chambre, un autre conseil municipal, ou bien, si les hommes ne changent

  1. Chez Firmin Didot, rue Jacob.