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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

Chaste lys d’amour et de foi,
Quand elle rêve à sa fenêtre,
Ne lui souffles-tu rien, dis-moi,
Des douleurs de ton divin maître,
De l’éponge, des clous sanglans,
De cette couronne fatale ? —
Esther dort, et par intervalle
Des rêves heureux, innocens,
Lèvent la pierre de son ame.
Guette bien cette occasion
Pour lancer, étoile de flamme
En elle ton plus pur rayon.

Et ainsi de chanson en chanson, de lied en lied, on arrive jusqu’au dénouement de cette fraîche et sentimentale poésie, au baptême, qui se laisse pressentir dans une pièce pleine de grace intitulée Marie.

« Je voudrais te saluer du nom de Marie ; mon cœur ne t’a jamais appelée autrement. — Je vois un clair petit ruisseau couler, je vais m’asseoir au bord ; Marie, murmurent ses flots ; Marie sera ton nom. Une blanche colombe vient vers nous à tire d’aile et plane au-dessus de moi dans un rayon de soleil.

« Chère bien-aimée, on ne t’a jamais rien dit des orgues et de la cascade ? Le Jourdain sacré vient en bouillonnant à travers les montagnes et les mers ; entends sa joyeuse fanfare. L’esprit de Dieu déploie ses ailes et s’écrie : « Où donc est ma fille ? Plonge dans ces flots qui t’aiment, et que Marie soit ton nom. »

La poésie didactique et descriptive, qui ne sait trop de son propre fonds à laquelle des deux formes simples se rattacher, s’inspire par momens, elle aussi, du lyrisme, et réchauffe à ce foyer sa nature froide et languissante. L’élément lyrique anime la poésie pittoresque, donne la vie à l’allégorie, au symbole. Voyez les Paramythies et les Paraboles de Herder ; il n’y a pas jusqu’à l’épigramme, cette vipère de la poésie, qui ne soit capable, ainsi que Logau l’a démontré, de s’attendrir, même à l’instant qu’elle pique.

Cependant, si nous avons étendu le royaume du lied, l’empire de la poésie lyrique, au-delà des bornes que les systèmes ordinaires lui prescrivent, il importe que nous observions qu’elle aussi, dans son indépendance presque illimitée, a sa forme qui lui est propre, sa forme une et identique en ses variétés sans nombre. Lorsque Schiller, dans son lied intitulé le Gant (der Handschuh), donne à une nouvelle la forme lyrique de l’ode ; lorsqu’en d’autres ballades il amalgame l’élé-