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n’y avait que des efforts isolés. En un pays dont toutes les provinces suivent une marche différente, et où l’on s’occupe surtout de l’histoire municipale, il ne saurait y avoir d’unité. Chaque ville est influencée par sa position. Dans le nord de l’Italie, à Turin et à Milan, on étudie les travaux qui se font dans le reste de l’Europe, et l’on s’applique de préférence aux questions qui occupent les savans français et allemands. L’origine des municipalités est une de ces questions. Là aussi l’histoire a pris une teinte catholique, grace surtout à l’influence de Manzoni, qui, en l’histoire, s’est montré le défenseur des papes. À Naples, au contraire, on semble s’appliquer à réformer toutes les idées septentrionales. En Toscane, on est éclectique, on cherche avant tout les faits, on les discute, et on aime mieux en tirer des enseignemens que des systèmes. Cependant, dans toute l’Italie en général, on s’applique encore plus à grouper les faits, à les rapprocher, à en déduire des conséquences, qu’à faire, comme dans certains pays, un symbole ou une figure perpétuelle de l’histoire, où chacun voit la confirmation des idées les plus opposées. Cette science à priori, qui consiste à ne chercher dans les annales si compliquées de l’humanité que les faits favorables aux opinions que l’on professe, a été souvent décorée du nom de philosophie de l’histoire, et elle a produit les plus déplorables effets. Mais les idées de Vico, qu’on a souvent exagérées dans le reste de l’Europe, n’ont pas encore amené les mêmes résultats en Italie. Il faut espérer que le bon sens des Italiens saura les prémunir contre ces excès. Cela ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas étudier ce qu’on fait ailleurs : loin de là. Un jour que nous causions avec M. De Candolle des botanistes italiens, dont il nous faisait l’éloge, il nous dit : « Pour connaître parfaitement les plantes de leur pays, il ne manque qu’une chose, c’est d’étudier un peu plus les plantes étrangères. » Peut-être pourrait-on, en Italie, appliquer aussi aux historiens ce que l’illustre naturaliste génevois disait alors de ceux qui dans ce pays se livrent à l’étude des végétaux.


G. Libri.