Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

le Djingiro, l’Anaria, et pénètre, à ce que l’on assure, jusqu’à la région équatoriale. De quel intérêt ne serait-il pas de nouer des relations avec un peuple qui fraie des voies si nouvelles au commerce et à la science !

Les maladies les plus fréquentes qu’on l’on rencontre dans l’Abyssinie méridionale sont la lèpre, la syphilis et le ténia. La lèpre est assez commune dans le Choa, à cause de la tolérance du roi qui n’interdit pas l’entrée de ses frontières aux malheureux atteints de cette affection hideuse. La syphilis y est fréquente sans être dangereuse. La variole y exerce aussi quelques ravages ; mais l’affection la plus singulière de ces contées, c’est le ténia ou ver solitaire. Tous les Abyssins y sont sujets. On attribue cette endémie à l’usage de la viande crue, du piment et du pain de thèfle, qui est très mucilagineux. Heureusement la nature a placé le remède à côté du mal. Une infusion de la fleur du coussotier suffit pour expulser le ténia, seulement il faut recommencer sur de nouveaux frais au bout de deux mois. Ainsi la vie de l’Abyssin s’écoule toute entière dans une lutte contre le ver solitaire. Les étrangers qui séjournent dans le pays ou qui le traversent ne se dérobent pas à ses atteintes.

Depuis cinq mois, M. Rochet habitait le Choa, et la bienveillance du roi à son égard ne s’était pas un instant démentie. Cependant, rien ne le retenait plus d’une manière sérieuse, et il résolut de partir. Le Choa n’était pour lui qu’une première étape vers l’intérieur de l’Afrique, et il voulait retourner en France pour y préparer cette entreprise. Il s’ouvrit donc à Sahlé-Salassi, qui essaya d’abord de le retenir, et qui, le trouvant inébranlable, voulut au moins le charger de divers cadeaux pour le roi des Français. M. Rochet fit ses adieux à tous ses amis de l’Abyssinie, puis il alla voir la reine-mère dans sa résidence de Debrabrame, vieille capitale ruinée comme Tegoulet, et qui n’offre pas plus que cette dernière de traces des édifices dont parle la relation très suspecte du père Alvarez.

Quand les préparatifs du départ furent achevés, Sahlé-Salassi fit remettre au voyageur les présens qu’il destinait à sa majesté Louis-Philippe. C’étaient deux beaux manuscrits in-folio sur parchemin, ouvrages écrits en gnèse (éthiopique), dont l’un, intitulé Sanhesar, renferme l’histoire des saints de l’Abyssinie, et l’autre, appelé Fatâ Negueuste, c’est-à-dire le jugement des rois, est tombé du ciel, à ce que prétendent les Abyssins, sous ce règne de l’empereur Constantin ; puis, avec ces deux ouvrages, un très beau cheval sellé et bridé, un bouclier en cuir d’hippopotame, garni en argent, deux lances royales,