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tandis que les autres puissances étaient disposées à aller en avant. » (Dépêche de lord Palmerston à M. Bulwer, 10 septembre 1839.)

Qu’on vienne maintenant nous dire, comme lord Palmerston dans son memorandum, que la France a rompu volontairement le concert européen, et que, si l’Angleterre s’est séparée de nous, c’est nous seuls qui avons les torts de la séparation ! Dès le mois de septembre 1839, les intrigues de lord Palmerston pour nous isoler sont patentes ; et M. Sébastiani les ayant saisies sur le fait, le ministre anglais, pour toute excuse, lui donne à entendre qu’il se propose de faire en Orient, avec les cours du Nord, ce qu’il a fait dans la question belge avec nous ! Ne fallait-il pas être un allié bien susceptible pour le trouver mauvais ? Et comment aurions-nous cessé de compter sur l’amitié de l’Angleterre, qui nous abandonnait pour se joindre aux adversaires de notre gouvernement, sans daigner même nous prévenir de ses intentions ? Ici comme dans le traité de juillet 1840, lord Palmerston n’avertit la France qu’après coup. Étonnez-vous ensuite d’un procédé qui se reproduit à toutes les phases décisives de la négociation !

Lord Palmerston avait essayé d’entraîner l’Autriche ; mais cette puissance n’a pas coutume de se jeter à l’avant-garde. M. de Metternich avait fourni des plans, mais il n’était pas homme à commencer ni à brusquer l’exécution. Les notes pressantes de lord Palmerston échouèrent contre cette force d’inertie. L’Autriche, voyant la France résister et la Russie se tenir en arrière, conçut des doutes, afficha des scrupules, et montra des hésitations. À la date du 8 septembre, lord Beauvale exprimait ainsi l’embarras où cette situation le plaçait :

« Votre depêche (celle du 25 août) repose sur cette idée, que les cinq puissances agissent de concert. Maintenant, loin qu’il en soit ainsi, ce concert n’existe qu’entre l’Angleterre et l’Autriche. La dépêche de votre seigneurie a prévu en partie cette situation, puisqu’elle m’autorise, dans certaines conditions, à agir avec moins de quatre puissances. Si ce nombre moindre devait consister dans l’Autriche et dans la France, je n’éprouverais pas de difficultés ; mais s’il consistait dans l’Autriche et dans la Russie, comme cela n’est pas impossible, comment faut-il entendre vos instructions ? »

La conférence de Vienne échoua, non pas seulement, comme l’a dit M. Passy, parce que la Russie avait déclaré, vers la fin du mois d’août, qu’elle n’y prendrait aucune part, et qu’elle se réservait toute sa liberté d’action, mais parce que l’accord que cette réunion diplomatique supposait entre les puissances ne put pas un seul instant