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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

traditions de diplomatie piémontaise dont il était si éloigné. Il est permis de croire qu’on y est plus sérieusement revenu aujourd’hui.

Aussi bien l’Autriche n’est pas une alliée entièrement sûre et dévouée pour la Sardaigne. Elle a des possessions en Italie ; c’est une rivale en même temps qu’un patron ; elle peut gêner et déplaire à ces deux titres. Ses allures tiennent quelquefois d’une adresse assez voisine de la perfidie : nous en pourrions citer quelques traits qui causeraient de l’étonnement à la cour de Turin ; mais nous préférons nous en abstenir, et signaler seulement une tactique plus innocente. C’est une habitude pour les agens diplomatiques de l’Autriche en Italie, de parler beaucoup, par goût ou par ordre, de la douceur du régime dont jouissent les états soumis à la domination de sa majesté l’empereur. Ils vantent avec raison la supériorité de leur administration, la manière beaucoup plus équitable dont la justice est rendue en Lombardie ; il semble que ce soit un de leurs soins assidus, en même temps qu’ils détournent de toute idée d’améliorations et de réformes, de rappeler sans cesse celles qu’ils ont faites chez eux, et de s’exprimer à ce sujet d’une manière qui prouve peu de considération pour les autres gouvernemens italiens. Que ces façons aient été parfois désagréables au roi de Sardaigne, c’est ce qu’on peut supposer d’après quelques faits récens survenus à la cour de Turin. L’absence de ce monarque à Milan lors du couronnement de l’empereur d’Autriche, son parent, y a été fort remarquée. Elle a été généralement jugée comme une protestation tacite et pleine de convenance contre les prétentions à une suzeraineté quelconque sur l’Italie, que cette cérémonie pouvait recouvrir. Une telle supposition n’a rien qui ne soit conforme au caractère connu du roi, à cette fierté qui sied si bien aux petits états, qui a toujours été une des qualités du cabinet sarde, et à laquelle son gouvernement actuel ne paraît pas avoir renoncé.

Les légitimes défiances que l’Autriche doit inspirer au Piémont ne sont pas les seuls moyens dont nous puissions nous servir. L’armée sarde est parfaitement organisée et éminemment adaptée aux besoins de ce royaume. Elle témoigne, par sa belle tenue, des soins particuliers que lui a donnés son souverain. Mais la marine militaire sarde est plus faible, relativement du moins à l’étendue du commerce génois. Son action ne peut se faire sentir dans toutes les mers où pénètre son pavillon marchand. Nous pouvons, sous ce rapport, rendre d’utiles services, et suppléer à une protection qui ne peut être toujours prête et suffisante. C’est un lien d’intérêt commun ; car la Sar-