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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/137

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REVUE LITTÉRAIRE.

En fait d’emportement n’a su que bégayer ;
Je veux une chaleur capable d’effrayer.

Vous voilà bien prévenus qu’on va vous effrayer. Est-ce que l’emportement véritable procède ainsi et avertit d’avance, de ses projets ? Si l’on ne savait que l’exaspération du métromane, comme s’appelle M. Pommier, est des plus sincères, on pourrait croire à un parti pris. Dans tous les cas, le lecteur n’est pas pris en traître, M. Pommier crie sur les toits qu’il est plus bourreau qu’auteur ; il est bourreau, et au vers suivant il est médecin.

Je suis le médecin qui palpe, qui manie
Des membres gangrenés et fluans de sanie.
Comme un chirurgien, malgré l’infection…

On devine ce qui suit ; les images repoussantes s’accumulent ; les viscères riment avec les ulcères, et cela dure au moins quarante vers. Cependant M. Pommier a eu soin de nous avertir qu’il a sacrifié au goût de quelques amis (à ce qu’on est convenu d’appeler le goût) bon nombre de crudités, et entre autres « un tableau des infirmités corporelles qui formait un curieux échantillon de poésie pathologique et une comparaison du dix-neuvième siècle avec un charnier, morceau enrichi de toutes les fioritures que la matière pouvait fournir. » Nous citons les propres expressions de M. Pommier, et c’est le cas de répéter que, si l’on ne savait à quoi s’en tenir, ces colères, enrichies de fioritures, auraient parfaitement l’air de fausses colères. Ce qui pourrait confirmer dans cette pensée, c’est que M. Pommier, autrefois, dans un recueil de vers qui avait nom : les Premières Armes, était un poète tendre, rempli d’une douce tristesse. Il se promenait mélancoliquement dans un cimetière de village, il caressait les blonds enfans, il s’extasiait devant une fleur. Certes, rien ne faisait alors supposer que cette imagination élégiaque qui se plaisait tant dans les jardins changerait brusquement de domicile pour aller habiter un charnier. C’est pourtant la transformation qui nous est offerte. La muse de M. Pommier s’obstine à ne plus sortir de Montfaucon ; ne pourrait-on cependant lui faire entendre qu’un poète peut être éloquent contre le vice, sans donner à ses vers une odeur exquise d’abattoir ? — Faut-il dire qu’il est fâcheux que le métromane se soit égaré ? Son vers est d’ordinaire bien frappé, sa rime est riche, sa période assez large, et avec de telles qualités il pouvait prétendre à quelques succès auprès des gens de goût, s’il ne s’était lancé dans les excentricités, s’il n’avait pas pris pour système de parsemer ses poésies de mots barbares qu’il invente, comme indifférentisme (j’en cite un, il y en a cent), et s’il ne s’était donné ce rôle d’un Juvénal toujours furieux qui se bat les flancs aux yeux du lecteur et exagère à un point ridicule une indignation qu’on est obligé, malgré qu’on en ait, de prendre pour une gageure.