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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/302

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REVUE DES DEUX MONDES.

et que votre amour éblouit, puisque vous avilissez et désolez une famille jusqu’ici plus jalouse de la vertu de ses femmes que du courage de ses chevaliers, que demandez-vous de plus, don Sanche, et que pouvez-vous souhaiter encore ? (Avec une mélancolie soudaine.) Mais, mon Dieu ! Pensez-vous que ce soit là la gloire ? Est-ce donc ainsi que vous vous préparez à porter la main de justice et le sceptre ? »

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« Don Sanche de Castille ! vous vous êtes trompé, si vous avez pensé que je me résignerais à subir la flétrissure que vous vouliez imprimer à mon blason ; elle retombera sur vous, la honte que vous me réservez et contre laquelle mes services auraient dû me prémunir. Les honneurs et les distinctions accordés par votre père au sujet loyal, le chevalier offensé n’en veut plus ; reprenez-les, il vous les rend. Et pourquoi les garderait-il après, tout ? Quelle valeur peuvent-ils avoir, puisqu’ils ne peuvent me mettre à l’abri de vos outrages, et que vous, le fils du roi don Alonzo, vous oubliez à quel respect ils me donnent droit ? Don Sanche de Castille, vous avez voulu m’enlever un bien plus précieux que toutes les distinctions et tous les honneurs que mes pères ont reçus des vôtres. Ce qu’il vous est impossible de me ravir, c’est ma résolution et ma loyauté ; à votre aise, don Sanche ! Peu m’importe que vous méditiez l’outrage contre la maison des Munio, peu m’importe votre folle entreprise ! c’est un creuset où ma loyauté s’épure et s’exalte. (Avec colère et en regardant son épée.) Ah ! qu’elle est heureuse et bien protégée la famille dont l’archevêque de Tolède a béni les chefs ! que vous êtes heureux, don Sanche, qu’il faille respecter en vous la couronne que vous devez porter un jour, bien qu’à l’avance, vous l’ayez déshonorée déjà par vos faiblesses et vos passions ! »

Ce sont là de mâles accens, mais c’est la vigueur qui, dans cette pièce, est la qualité principale du style ; on peut encore s’en convaincre par la scène qui termine le drame, après que l’innocence de Fronilde a été pleinement reconnue, et où le cœur de Munio se brise sous la double pression de la douleur et du remords.

« Ah ! ne pleurez donc pas, don Sanche ! Ce n’est point en pleurant qu’il témoigne sa douleur, un noble castillan. Il réclame du sang, le sang de Fronilde… Il aura du sang ! Ce n’est point par de nouveaux crimes qu’il la faut apaiser, la douce victime ; du fond de la tombe où elle va reposer, elle doit parler encore à nos cœurs, et si sa voix nous excite à la colère, c’est contre les ennemis du nom chrétien que se devra tourner notre fureur ! »

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« Ah ! si c’est par du sang qu’il faut expier la folie de votre amour et le malheur exécrable que la fatalité m’a forcé aujourd’hui d’accomplir, venez, prince, nous aurons du sang à verser, avant que le nôtre soit tout-à-fait répandu. Des bataillons d’ennemis nous provoquent au combat… Oh ! laissez-