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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/323

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REVUE. — CHRONIQUE.

sorte d’émeute organisée par le ministère, nuit à la cause qu’il est chargé de défendre, il en portera toute la responsabilité. Nous savons bien, du reste, qu’il y a dans le ministère un homme que cette lutte n’effraie point, et qui la désire au contraire. Ce n’est pas la première fois que la France, depuis quinze ans, voit apparaître dans les conseils du pouvoir une politique dont le but est d’exciter les passions pour se donner le dangereux plaisir de les combattre, et qui, se sentant inhabile à gouverner par la douceur, fait naître des crises pour avoir le droit d’employer la violence comme un moyen de gouvernement. Lorsqu’on ne sait pas se concilier les esprits, on veut les dominer ; lorsqu’on ignore le secret de diriger la majorité dans un temps calme, par la seule influence du caractère et des lumières, on veut la subjuguer par le sentiment du danger. On a recours aux moyens extrêmes pour la discipliner. Comme on sait qu’elle abhorre les factions, et qu’elle est profondément dévouée à la royauté de juillet, on met cette royauté en cause, et on réveille les factions : c’est le moyen d’alarmer et de ressaisir la majorité. On élève les mauvaises passions à la surface de la société pour trouver l’occasion d’un combat où l’on se croit sûr de vaincre, parce qu’on aura le droit de réclamer, au nom des intérêts menacés, l’appui des bons citoyens. On s’abritera derrière le trône, que l’on croit assez fort pour supporter les coups. Qu’importe, d’ailleurs, l’issue de la guerre que l’on allume, si l’on est parvenu à rallier pour un moment la majorité, si l’on a interrompu le travail qui s’opérait naturellement dans son sein, et qui, par un déplacement insensible, allait porter sans secousse le pouvoir dans d’autres mains plus fermes et plus sûres ? On espère bien, par la suite, si cela devient nécessaire, fortifier sa situation en aggravant le péril, et embrouiller tellement les affaires, que l’on dégoûtera pour long-temps les hommes sensés qui pourraient prétendre à l’héritage ministériel. Le pays a déjà fait, il y a peu d’années, l’épreuve de cette politique faible et violente, agressive au dedans et timide au dehors ; peut-être finirons-nous par la revoir à l’œuvre. À Dieu ne plaise que nous voulions augmenter ses embarras ! Nous saurons toujours séparer ce qui est irresponsable de ce qui ne l’est pas, ce qui mérite notre dévouement et nos respects de ce qui mérite le blâme, la couronne enfin de l’intérêt égoïste qui la découvre pour s’effacer lui-même, et la compromet dans une lutte dont il espère, quoi qu’il arrive, recueillir les fruits. Cependant, pour parler avec franchise, nous avions cru que le règne de cette politique était passé. Depuis deux ans surtout, l’immense malheur qui a frappé la France et fixé ses regards inquiets sur l’avenir avait paru indiquer le besoin d’une politique élevée, généreuse, prévoyante, appliquée à éteindre les mauvaises passions, à élargir la base du pouvoir, capable surtout de faire aimer le trône, et de l’entourer des respects du pays. Populariser la dynastie, ce devait être l’œuvre de notre temps. Tous les esprits sages offraient leur concours à cette noble entreprise ; c’était la pensée de M. Thiers lorsqu’il prononçait, sur la loi de régence, un discours que bien des gens paraissent avoir oublié aujourd’hui. C’était aussi le