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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/403

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DE LA JEUNE ANGLETERRE.

bée et de la noblesse détruite. » Mais de quel crime cette noble dame s’est-elle donc rendue coupable envers M. d’Israeli ? ne l’avait-il pas suffisamment désignée ? ou, s’il voulait mettre de force son nom dans les mémoires les plus rebelles, ne pouvait-il lui trouver au moins quelque variante de tournure plus fine, au lieu de l’appeler d’une façon assez ridicule la charmante princesse de Petit-Poix ?

J’emprunte encore au voyage de Coningsby à Paris une page où notre situation politique est appréciée. On aime à trouver chez un étranger cette confiance dans l’avenir de la France de juillet et cette haute estime des qualités du roi, qui sont aujourd’hui d’ailleurs dans tout ce qu’il y a d’esprits éclairés en Europe : « Qu’il est triste de penser, dit Coningsby après avoir parlé avec enthousiasme des merveilles de la société parisienne, qu’une si belle civilisation soit exposée à des périls imminens ! — C’est l’opinion commune, répond Sidonia ; elle me trouve quelque peu sceptique. J’incline à croire que le système social de l’Angleterre court des dangers infiniment plus grands que celui de la France. Ne nous méprenons pas à la superficie agitée de ce pays. Les bases de l’ordre y sont profondes et sûres. Comprenez la France. La France est un royaume qui a une république pour capitale. Il en est ainsi depuis des siècles, depuis les jours de la ligue jusqu’aux jours des sections, jusqu’aux journées de 1830. C’est toujours la même France, elle a peu changé ; elle n’a fait que fortifier sa nationalité. — Pensez-vous que le roi actuel se maintiendra ? — Tous les mouvemens de ce pays, quelque contradictoires qu’ils puissent paraître, tendent à cette fin inévitable. La nature des choses réclamait sa présence sur le trône. — Quelle position ! quel homme ! s’écria Coningsby ; dites-moi ce qu’est ce prince dont on entend parler dans tous les pays et à toute heure, de l’existence duquel dépendent, dit-on, la tranquillité et presque la civilisation de l’Europe ? — J’ai une croyance, reprit en souriant Sidonia, c’est que les grands caractères de l’antiquité sont quelquefois offerts de nouveau à notre admiration ou reproduits pour nous conduire. Ennuyée de la médiocrité, la nature verse alors le métal dans un moule héroïque. Lorsque les circonstances m’ont amené devant le roi des Français, j’ai reconnu Ulysse. »

Ceci nous amène naturellement au côté politique de Coningsby. On a vu les prétentions annoncées par M. d’Israeli au début de son livre. Coningsby promet à la fois d’abattre et de fonder, d’élever sur les débris des partis anciens une politique jeune et pleine de vie ; mais, disons-le tout de suite, il s’en faut qu’il soit fidèle à sa promesse : il