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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/888

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vieille coutume du carnaval. Il est à croire que ces galantes traditions ne se perdront pas de si tôt à Bahia.

L’ancienne capitale du Brésil est le siège de quelques industries qui ne sont pas sans importance. On y fabrique les seuls cigares qu’on puisse obtenir au Brésil. Si les habitans apportaient plus de soin dans cette fabrication, leur tabac, qui est d’une bonne qualité, serait recherché bientôt sur les marchés d’Europe. Les fleurs en plumes fabriquées par les religieuses sont, avec les cigares et quelques poteries communes, des industries particulières à Bahia. La ville compte même des manufactures, encore en enfance il est vrai ; mais une manufacture est chose rare au Brésil. Une fabrique de savon est en pleine activité et suffit en partie aux besoins de la population. L’école de médecine est dans un état déplorable ; c’est pitié vraiment que d’envoyer des élèves à un établissement pareil, où la bibliothèque reste entassée dans une chambre toujours fermée, et où l’on chercherait en vain des instrumens de chirurgie. L’hôpital militaire, un hôpital pour les pauvres, méritent d’être cités en revanche parmi les édifices utiles que renferme la ville haute. Ces diverses institutions rappellent que Bahia fut pendant long-temps la première ville de l’empire.

Ne pouvant me résoudre à loger dans les auberges de Bahia, qui sont d’une saleté repoussante, je fus trop heureux d’accepter l’hospitalité que notre consul voulut bien m’offrir. Sa charmante maison de la Vittoria est située dans un des faubourgs de la ville adopté par tous les négocians riches, qui, obligés de passer leur journée dans la ville basse, trouvent le soir sous les frais ombrages de leurs jardins un délassement plein de charmes. La chaleur est si forte, qu’il est rarement possible de monter à cheval pendant le jour. Le moyen de transport le plus en usage est la cadeira, espèce de fauteuil couvert, protégé par des rideaux et porté sur les épaules de deux esclaves. Ces litières fermées sont très recherchées par les femmes, qui en profitent pour se rendre chez leurs amans en dépit des jaloux. Chaque famille un peu riche a sa cadeira particulière avec des rideaux de soie damassée, un fauteuil richement orné et des nègres en livrée. On emploie habituellement pendant la journée des cadeiras de louage, et on réserve pour les grandes réunions l’usage de la cadeira particulière. Les nègres congos, employés au service de ces litières, sont généralement de beaux hommes, d’une grande intelligence. Plus intéressés que les autres races de nègres, les congos amassent l’argent qu’ils gagnent afin de se racheter après quelques années de travail. Tous préfèrent obtenir la liberté de travailler pour leur compte, moyennant