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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1012

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Arrivée à la surface des jeunes écorces, et surtout des feuilles, la sève subit l’action de l’air ; ses principes se modifient, se combinent de diverses manières, donnent naissance à des corps dont ils ne contenaient auparavant aucune trace ; puis, complètement organisée, elle prend une marche rétrograde et descend de haut en bas en suivant principalement les couches externes. Sur son trajet, elle dépose des amas de matière destinés à la nutrition, et surtout le cambium, substance plastique regardée par M. de Mirbel comme le premier état de tous les tissus végétaux. Elle arrive enfin aux racines et revient jusqu’aux radicules, qui lui servirent de point de départ.

Sous l’influence de ce courant de fluide nourricier, on voit le végétal se développer en tout sens, multiplier ses rameaux, épanouir ses bouquets de feuilles et ses boutons de fleurs. On le voit aussi s’accroître en épaisseur, par l’addition annuelle de nouvelles fibres dont l’ensemble forme une multitude d’étuis enchâssés les uns dans les autres, et dont le plus récent enveloppe tous ceux qui l’ont précédé. La nature et le mode de formation de ces fibres a vivement préoccupé les botanistes. Les uns, avec M. de Mirbel, ont dit qu’elles naissaient sur place dans le cambium organisé sous l’influence de la vie végétale ; d’autres, guidés par des idées philosophiques particulières, sont arrivés à des conséquences très différentes. Pour eux, un arbre en pleine croissance n’a pas d’individualité propre, c’est la réunion de plusieurs individus. Le véritable individu végétal, c’est le bourgeon, comparable sous tous les rapports à l’embryon qui est sorti de la graine. Or, ce dernier présente dès son apparition trois parties bien distinctes, qui n’ont fait que se développer depuis cette époque, les feuilles, la tige, les racines. Le bourgeon doit donc présenter ces mêmes parties, et on les y retrouve en effet. Les feuilles se montrent au dehors ; la tige est représentée par le rameau qui sort du bourgeon ; quant aux racines, ce sont précisément elles qui, se frayant une route vers la terre, entre les anciens tissus, donnent chaque année naissance aux nouvelles couches d’écorce et de bois proprement dit. Ces couches ne proviennent donc plus directement du cambium, et ce dernier n’est qu’un fluide nourricier où les racines puisent pendant leur trajet jusqu’à la terre les élémens nécessaires à leur développement.

Cette théorie proposée, au commencement du XVIIIe siècle, par Lahire, astronome français, était oubliée des botanistes, lorsque Dupetit-Thouars y fut amené par ses propres observations. Ce savant la développa dans plusieurs ouvrages, l’étaya d’un grand nombre d’expériences, et de nos jours elle est à juste titre connue sous son nom ; mais malgré tout ce que cette doctrine présente de séduisant par sa simplicité, par la facilité qu’elle apporte dans l’explication de certains phénomènes, elle a eu de nombreux contradicteurs. C’est à ces derniers que M. Martius, un des plus célèbres botanistes d’Europe, est venu récemment prêter l’appui de l’autorité attachée à son nom. Dans une note communiquée à l’Académie, M. Martius annonce, entre autres résultats, s’être assuré que chez les palmiers, les fibres croissent à la fois dans les deux sens, en haut et en bas.