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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1031

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d’ombrage à M. Guizot ? Quoi qu’il en soit, la chambre, par l’organe de M. de Beaumont et de M. Billault, a témoigné nettement ses intentions. Elle a voulu prêter force et assistance au cabinet. Quant au ministère, après avoir subi tant de fois le joug parlementaire dans les questions diplomatiques, après avoir fait tout ce que les chambres ont voulu dans l’affaire du droit de visite, dans la question du traité sarde et du traité belge, dans celle d’un traité de commerce avec l’Angleterre ; après avoir plié toutes les fois qu’il eût été dangereux pour lui de résister, il aurait mauvaise grace à repousser l’appui qui lui est offert dans la question du Maroc. Mais nous sommes tranquilles à cet égard : il en sera de la question du Maroc comme de toutes celles où le parlement a exprimé une volonté ; ce que les chambres voudront, le ministère le fera.

La chambre a été indulgente à l’égard de M. le ministre de la guerre. Elle n’a pas voulu lui donner l’embarras d’expliquer ses opinions contradictoires sur l’expédition de la Kabylie. Sans la commission des crédits d’Afrique, qui a forcé le ministère de renoncer à son plan, quelle serait aujourd’hui la situation de notre armée, engagée dans les défilés du Jurjura, pendant que les tribus de l’ouest insurgées s’appuieraient sur les dispositions hostiles du Maroc ? Pour justifier M. le président du conseil, des amis trop complaisans ont répandu le bruit que l’expédition de la Kabylie avait été exigée par le maréchal Bugeaud. Il n’en est rien. Le ministère, il y a six mois, était plus épris de l’expédition que le maréchal lui-même. On peut voir, dans la discussion de l’adresse, avec quelle réserve le duc d’Isly s’était exprimé sur ce sujet. Dans tous les cas, la faute ne serait pas d’avoir formé le plan d’une expédition dans la Kabylie : le mal est de l’avoir si imprudemment annoncée, et d’avoir déclaré ensuite qu’on ne la ferait pas. Sur ce dernier point, M. Desmousseaux de Givré et M. Saint-Marc Girardin ont voulu obtenir des explications. En effet, plusieurs orateurs, dans le cours de la discussion, avaient blâmé l’expédition de la Kabylie, non pas seulement comme inopportune, mais d’une manière absolue. Il fallait savoir si le ministère acceptait ce droit nouveau en faveur de la Kabylie, et si, changeant de conviction, il repoussait aujourd’hui le principe d’une expédition que réclamera tôt ou tard l’intérêt de notre puissance en Afrique. Le ministre de la guerre, rompant enfin le silence, a répondu que le gouvernement entendait conserver à cet égard sa liberté d’action.

Cette question de Maroc peut prendre d’un jour à l’autre un caractère très grave ; cependant nous devons reconnaître qu’elle n’a pas causé dans la chambre une grande agitation. La chambre a cessé aujourd’hui de se passionner pour les débats politiques. Elle appartient corps et ame aux chemins de fer. La discussion sur le chemin du Nord a duré huit jours. L’adoption de l’embranchement de Fampoux à Hazebrouck a amené un incident qui caractérise l’esprit de notre époque. Au moment du scrutin, les délégués des villes qui sollicitaient l’embranchement se trouvaient réunis dans une tribune.